Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/525

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5. Cependant ce grand prêtre se retira seul au sommet de la montagne : il avait été figuré par le grand prêtre de l’ancienne loi, qui entrait, une fois l’année, à l’intérieur du sanctuaire, laissant la foule du peuple en dehors du voile [1]. Pendant que Jésus était sur la hauteur, ses disciples se trouvaient sur une barque ; qu’y souffraient-ils ? Dès lors qu’il était en un lieu élevé, cette barque préfigurait l’Église. Si, en effet, et avant tout, nous ne voyons pas que la tourmente dont cette barque avait à souffrir était la figure de ce qui se passe dans l’Église, tous ces faits étaient sans portée relativement à l’avenir ; c’étaient des événements purement transitoires, incapables de fixer notre attention ; mais si nous les regardons comme des figures qui reçoivent dans l’Église leur accomplissement, il est sûr que toutes les actions du Christ nous tiennent une sorte de langage. « Et quand le soir fut venu », dit saint Jean, « ses disciples descendirent vers la mer, et étant montés dans la nacelle, ils vinrent au-delà de la mer, vers Capharnaüm » Dans ce passage, l’Évangéliste nous indique, comme ayant déjà eu lieu, ce qui ne s’est fait que plus lard, « Ils vinrent au-delà de la mer, vers Capharnaüm » ; puis, revenant sur ses pas, il nous apprend comment ils y sont venus il nous dit qu’ils ont traversé la mer en bateau ; enfin, il nous raconte en deux mots ce qui est advenu pendant qu’ils se dirigeaient avec leur nacelle vers cet endroit, où il nous adit par anticipation qu’ils étaient arrivés. « Et les ténèbres se répandaient déjà, et Jésus n’était pas encore revenu près d’eux ». Il était naturel que les ténèbres se répandissent, puisque la lumière n’avait pas encore paru. « Les ténèbres se répandaient déjà, et Jésus n’était pas encore revenu près d’eux ». Plus approche la fin du monde, plus s’accroissent, et les erreurs, et les terreurs, et l’iniquité, et l’infidélité, plus aussi s’affaiblit éclat de cette lumière, qui n’est autre que la charité ; l’Évangéliste Jean lui-même nous a dit à plusieurs reprises et ouvertement, et lue craint pas de s’exprimer ainsi « Celui qui hait son frère est dans les ténèbres [2] ». Ces ténèbres de la haine des frères, les uns envers les autres, s’accroissent et s’épaississent de jour en jour ; et Jésus n’est pas encore menu. Comment voyons-nous qu’elles augmentent chaque jour davantage ? « Parce que l’iniquité abondera, on verra se refroidir la charité d’un grand nombre ». Les ténèbres deviennent plus profondes, et Jésus n’est pas encore venu. L’épaississement des ténèbres, le refroidissement de la charité, l’abondance de l’iniquité, voilà les vagues qui secouent la nacelle, les vents et les tempêtes qui l’assaillent : ce sont les imputations des détracteurs, Dès lors que la charité se refroidit, les vagues se soulèvent et tourmentent le bateau.
6. « Un grand vent venant à souffler, la mer s’élevait ». Les ténèbres s’épaississaient : les intelligences tombaient dans l’obscurité, l’iniquité se multipliait. « Après donc qu’ils eurent ramé vingt-cinq ou trente stades ». Cependant, ils marchaient, ils avançaient, et ni les vents, ni la tempête, ni les flots, ni les ténèbres n’empêchaient la barque de marcher. Détachée du rivage, elle n’était pas non plus engloutie dans les flots par tous ces éléments en fureur, elle avançait toujours en dépit de leurs efforts. En effet, de ce que l’iniquité surabonde, de ce que la charité d’un grand nombre se refroidisse, de ce que les flots s’élèvent, de ce que les ténèbres s’accroissent, de ce que les vents deviennent impétueux, le bateau, l’Église, n’en poursuit pas moins sa course ; « car celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé ». Le nombre même des stades parcourues n’est pas à négliger : il est vraiment impossible que ce passage ne renferme pas un sens caché. « Après qu’ils eurent ramé vingt-cinq ou trente stades, alors Jésus vint à eux ». Il suffirait de dire « vingt-cinq », comme de dire « trente » ; car, ici, il n’y a pas une évaluation précise de la distance parcourue : ce n’en est qu’une évaluation approximative. Si l’Ecrivain sacré disait nettement vingt-cinq stades, trente stades, y aurait-il de sa part une atteinte réelle à la vérité ? Non, mais il s’est servi du chiffre vingt-cinq pour faire celui de trente. Occupons-nous d’abord du nombre vingt-cinq. D’où vient-il ? Comment se forme-t-il ? Du nombre cinq, qui se rapporte à la loi ; car, il y a cinq livres de Moïse ; il y avait cinq portiques sous lesquels on déposait les paralytiques : c’est encore avec cinq pains que le Sauveur a nourri cinq mille hommes : le nombre vingt-cinq représente donc la loi, parce que cinq multiplié par cinq, ou cinq

  1. Héb. 9, 12
  2. 1 Jn. 2, 11