Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/529

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ceux qu’opérait Jésus ? En voici la preuve ils ajoutèrent : « Nos pères ont mangé la manne au désert ». Mais qu’est-ce que la manne ? Vous en avez peut-être une petite idée : « Ainsi qu’il est écrit, il leur a donné la manne pour nourriture ». Moïse a obtenu pour nos pères un pain venu du ciel, et, pourtant, Moïse ne leur a pas dit : « Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure dans la vie éternelle » ; et, néanmoins, il a opéré des prodiges bien autres que les vôtres. Il ne nous a pas distribué du pain d’orge, il nous a donné une manne venue du ciel.
13. « Jésus donc leur dit : En vérité, en vérité je vous le dis : Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel ; mais mon Père vous donne, le véritable pain du ciel ; car le pain qui descend du ciel est le vrai pain, et il donne la vie éternelle ». Le vrai pain, c’est donc celui qui descend du ciel[1] c’est celui-là même, dont je vous ai parlé tout à l’heure : « Travaillez, non pour le pain qui périt, mais pour celui qui demeure dans la vie éternelle ». La manne elle-même en était la figure, et tous les prodiges de Moïse préfiguraient les miens. Vous admirez des miracles qui annonçaient tes miens, et à ceux dont ils étaient l’annonce et l’image, vous ne faites pas attention ? Donc, Moïse n’a point donné un pain venu du ciel : pour Dieu, il donne du pain ; mais quel pain ? serait-ce de la manne ? Non ; c’est le pain dont elle était la figure : c’est, en d’autres termes, Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. « Mon Père vous donne le véritable pain, car le pain de Dieu, c’est celui qui est descendu du ciel et qui donne la vie au monde. Ils lui dirent donc : « Seigneur, donnez-nous toujours de ce pain ». En une autre circonstance le Sauveur avait déjà dit, dans le même sens, à la Samaritaine : « Quiconque boira de cette eau n’aura jamais soif ». Elle avait donné à ces paroles une signification toute matérielle, et cependant elle ne voulait point souffrir du manque d’eau ; elle lui répondit donc aussitôt : « Seigneur, donnez-moi de cette eau ». Ainsi firent les Juifs : « Seigneur, donnez-nous de ce pain », qui répare nos forces et ne nous fasse jamais défaut.
14. « Et Jésus leur dit : Je suis le pain de vie : celui qui vient à moi n’aura pas faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif ». Ces paroles : « Celui qui vient à moi », sont les mêmes que ces autres : « Celui qui croit en moi » ; et celles-ci : « n’aura pas faim », sont corrélatives à celles-là : « n’aura jamais soif ». Car toutes deux indiquent une satiété sans fin, qui ne fera jamais place à aucun besoin. Vous désirez un pain venu du ciel : il est devant vous, et vous n’en profitez pas. « Mais je vous l’ai dit : Vous m’avez vu, et vous n’avez pas cru en moi ». Néanmoins, je ne me trouve pas pour cela sans peuple, car votre infidélité serait-elle capable d’anéantir toute croyance en Dieu [2] ? Écoute, en effet, ce qui suit : « Tout ce que mon Père me donne viendra à moi, et celui qui viendra à moi, je ne le repousserai point dehors ». Quel est donc cet intérieur, au-dehors duquel on n’est point jeté ? C’est un sanctuaire inviolable, c’est une douce retraite. O retraite à l’abri de tout ennui, où l’on n’éprouve l’amertume d’aucune mauvaise pensée, où ne viennent nous tourmenter ni les tentations, ni la douleur ! N’est-ce point dans cette retraite bénie que sera admis le bon serviteur, à qui le Seigneur dira : « Entre dans la joie de ton Maître[3] ».
15. « Et celui qui viendra à moi, je ne le mettrai pas dehors. Car je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Si vous ne chassez pas au-dehors celui qui vient à vous, c’est donc parce que vous êtes descendu pour faire, non votre volonté, mais la volonté de celui qui vous a envoyé. Ineffable mystère ! Je vous en conjure : frappons tous ensemble à la porte de ce sanctuaire, afin qu’il en sorte de quoi nous sustenter comme il en est sorti de quoi nous charmer. « Celui qui viendra à moi » : quelle douce, quelle admirable retraite ! Attention ! Attention ! Pèse bien ces paroles : « Celui qui viendra à moi, je ne le mettrai pas dehors ». Il dit donc : « Celui qui viendra à moi, je ne le mettrai pas dehors ». Pourquoi cela ? « Parce que je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Vous êtes descendu du ciel pour faire, non votre volonté, mais la volonté de Celui qui vous a envoyé : est-ce bien là le motif pour lequel vous ne mettez pas dehors celui qui vient à vous ? Oui, c’est lui. Pourquoi le lui demander,

  1. Jn. 6,35
  2. Rom. 3, 3
  3. Mt. 25, 23