Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/544

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communique la vie, commençons par nous attacher à Jésus-Christ, et l’intelligence trouvera en nous de quoi vivifier. Celui qui ne s’attache pas à lui, lui résiste, et quiconque lui résiste, ne croit pas à lui. Comment recevoir la vie de celui à qui on résiste ? On met obstacle au rayon de lumière qui doit pénétrer ; on n’en détourne point les feux, mais on lui ferme l’accès de son âme. « Il en est donc qui ne croient pas ». Qu’ils croient et ouvrent leur esprit, qu’ils ouvrent leur esprit, et la lumière les pénétrera. « Car Jésus savait dès le commencement quels seraient ceux qui ne croiraient point et le trahiraient ». Judas en effet se trouvait là. Il y en eut qui furent scandalisés ; mais, pour lui, il resta près de son maître afin de lui tendre des pièges et non pour le comprendre, et, parce qu’il était resté, le Sauveur parla de lui : sans le nommer expressément, il laissa entendre qu’il le connaissait, et, par là, il voulait inspirer de la crainte à tous, quoiqu’un seul dût périr. Après avoir parlé et distingué les croyants d’avec les incroyants, il fit connaître le motif pour lequel quelques-uns ne croyaient pas : « C’est pourquoi », dit-il, « je vous assure que nul ne peut venir à moi, si ce pouvoir ne lui a été donné par mon Père ». Aussi la foi est un don qui nous est accordé, car la foi n’est – pas chose de nulle valeur, et parce qu’elle est précieuse, réjouis-toi de l’avoir reçue, mais n’en conçois aucun orgueil : « Qu’as-tu, en effet, que tu n’aies pas reçu [1] ? »
8. « Dès ce moment, plusieurs de ses disciples se retirèrent en arrière et ne marchèrent plus avec lui. Ils se retirèrent en arrière e, non pour suivre le Christ, mais pour suivre le démon. Un jour, le Seigneur Jésus donna à Pierre le nom de Satan, mais parce qu’il voulait prendre le pas sur son maître, et lui conseiller de ne pas mourir, quoique le Christ fût venu en ce monde pour subir la mort et nous empêcher, par là, de périr éternellement. Et il lui dit : « Arrière, « Satan ; retire-toi de moi, parce que tu ne comprends pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes[2] » Quoiqu’il l’appelât Satan, il ne le força pas néanmoins à se retirer en arrière pour suivre le démon ; mais il le fit marcher derrière lui, afin qu’en suivant les traces de son maître, il ne devînt pas démon. Pour les disciples, dont il est ici question, ils se retirèrent en arrière, comme ces femmes dont parle l’Apôtre : « Quelques-unes se sont égarées pour suivre Satan [3] ». Ils ne marchèrent plus désormais avec le Sauveur ; ils perdirent la vie, en se séparant du corps auquel ils n’avaient peut-être d’ailleurs jamais appartenu : car s’ils portaient le nom de disciples, ils n’en devaient pas moins être rangés au nombre des incroyants ; et ces hommes, qui se retiraient en arrière, n’étaient pas en petit nombre : on en comptait beaucoup. Dieu a voulu qu’il en fût ainsi, pour notre consolation. Parfois, en effet, il arrive qu’un homme dise la vérité, et que, pourtant, ses paroles ne soient pas goûtées, et que ses auditeurs se scandalisent et s’éloignent. Cet homme se repent d’avoir tenu des discours conformes à la vérité ; il se dit eu lui-même : J’aurais dû ne pas m’exprimer ainsi, j’aurais dû m’exprimer autrement. Pareille chose est arrivée au Sauveur : il a parlé, et plusieurs l’ont quitté, et il est resté avec quelques-uns seulement ; mais il ne s’en est nullement ému, car il savait, dès le commencement, quels étaient ceux qui croyaient en lui et ceux qui n’y croyaient pas ; et nous, nous nous troublons en cas pareil. Cherchons donc alors, dans l’exemple du Seigneur Jésus, un adoucissement à notre peine, mais n’oublions pas de montrer une grande prudence, lorsque nous parlons.
9. Le Christ s’adressa aux rares disciples qui lui étaient restés fidèles ; « Jésus dit donc aux douze », c’est-à-dire aux douze qui étaient restés près de lui : « Et vous aussi, voulez-vous vous en aller ? » Judas lui-même ne s’était pas éloigné ; mais le motif pour lequel il était resté, le Sauveur le connaissait déjà : nous avons, depuis, appris à le connaître. Au nom de tous, seul pour plusieurs, représentant dans l’unité de sa personne l’universalité des autres, Pierre prit la parole : « Simon Pierre lui répondit : Seigneur, à qui irons-nous ? » Vous nous éloignerez de vous ; donnez-nous un autre vous-même. « À qui irons-nous ? » Si nous nous éloignons de vous, à qui irons-nous ? « Vous avez les paroles de la « vie éternelle ». Voyez comment, par ta grâce de Dieu, et sous l’inspiration de l’Esprit Saint, Pierre comprit les paroles de son maître. D’où lui en vint l’intelligence, sinon de sa foi?«

  1. 1 Cor. 4, 7
  2. Mt. 16, 23
  3. 1 Tim. 5, 15