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TRENTIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CE PASSAGE : « MOÏSE NE VOUS A-T-IL PAS DONNÉ LA LOI, ET NUL DE VOUS NE L’ACCOMPLIT », JUSQU’À CET AUTRE : « NE JUGEZ PAS SELON L’APPARENCE, MAIS JUGEZ AVEC UN JUGEMENT DROIT ». (Chap. 7, 19-24.)

IMPARTIALITÉ.

À la vue du miracle opéré par Jésus-Christ le jour du sabbat, les Juifs s’étaient scandalisés. Moïse, leur dit Jésus, vous a commandé la circoncision pour le huitième jour, et vous la pratiquez sans scrupule le Jour du sabbat, et vous me défendez de guérir un homme La circoncision était ta figure de la guérison spirituelle, et vous trouvez mauvais que je délivre une âme du péché ! Vous buvez et mangez pour l’entretien de votre santé, et il me serait interdit de rendre la santé à un malade ! Jugez donc impartialement des hommes et des choses.


1. La leçon qu’on a lue aujourd’hui dans le saint Évangile suit immédiatement celle dont nous avons naguère donné l’explication à votre charité. Le Sauveur parlait à un auditoire qui était formé par ses disciples et par des Juifs. Pour écouter les enseignements de la vérité, il y avait des hommes sincères et des menteurs ; les discours de la charité frappaient des oreilles amies et des oreilles mal disposées : des bons et des méchants entendaient les paroles que leur adressait Celui en qui se trouvait la perfection même. Ils l’écoutaient, et Jésus connaissait les secrètes dispositions de leurs cœurs : il voyait et prévoyait à qui ses paroles profitaient pour le moment, et seraient plus tard utiles. Écoutons donc l’Évangile, comme si le Seigneur nous parlait en personne ; gardons-nous de dire : Heureux les hommes qui ont pu le voir ! Plusieurs de ceux qui l’ont vu l’ont aussi mis à mort ; et par contre, quoique nos yeux ne l’aient point contemplé, il en est beaucoup parmi nous pour avoir cru en lui. Les paroles si précieuses tombées des lèvres de Jésus-Christ, on les a écrites pour nous, on nous les a conservées, on nous en a fait lecture pour nous instruire, et nos arrière-neveux, jusqu’à la fin du monde, en auront aussi connaissance de la même manière. Le Sauveur est au ciel, mais, par la vérité, il habite toujours parmi nous. Le corps ressuscité du Sauveur se trouve nécessairement en un seul endroit ; mais sa vérité est répandue eu tous lieux. Le Sauveur nous parle, Écoutons-le donc, et parlons nous-mêmes de ce qu’il nous dit, selon la mesure de sa grâce.
2. « Moïse », dit-il, « ne vous a-t-il pas donné la loi ? Et nul d’entre vous n’accomplit la loi. Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ? » La raison pour laquelle vous cherchez à me faire mourir, c’est que nul d’entre vous n’accomplit la loi ; car si vous l’accomplissiez, vous reconnaîtriez que ces saintes Écritures ont annoncé clairement le Christ, et, pendant son séjour au milieu de vous, vous ne le feriez point mourir. Et ils lui répondirent : « La foule lui répondit ». Elle lui répondit à la manière d’une foule en tumulte ; elle lui fit une réponse qui respirait, non le calme, mais l’agitation. Quoi qu’il en soit, voyez ce que répondit cette foule agitée : « Tu es possédé du démon : qui est-ce qui cherche à te faire mourir ? » Dire à Jésus : « Tu es possédé du démon », n’était-ce pas un procédé pire que de le faire mourir ? C’était, en effet, affirmer que celui qui chassait les démons en était lui-même l’esclave. Que pouvait dire de plus une multitude furieuse ? Un cloaque infect, remué jusque dans ses dernières profondeurs, a-t-il jamais exhalé odeur plus nauséabonde ? Cette multitude était troublée : par quoi ? Par la vérité. L’éclat de la lumière a blessé une foule d’yeux malades, car les yeux affaiblis ne peuvent supporter la vue de la lumière.
3. Pour le Sauveur, il ne se troubla nullement, mais il demeura calme et tranquille dans sa vérité ; il ne rendit ni le mal pour le mal, ni la malédiction pour la malédiction [1]. Il aurait pu leur répondre : C’est vous qui êtes possédés du démon, et, en cela, il n’aurait dit que

  1. 1 Pi. 3, 9