Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/569

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec le sien : avec cette différence, néanmoins, qu’avec son Esprit Dieu sait ce qui se panse en nous, tandis que sans le sien nous sommes incapables de savoir ce qui se passe en lui. Dieu sait ce qui se passe en nous, même ce que nous ignorons s’y trouver. Pierre n’ignorait-il pas sa faiblesse, quand le Sauveur lui annonça qu’il le renierait trois lois [1] ? Le médecin connaissait sa maladie, et lui, malade, ne savait pas même qu’il en fût atteint. Il est donc en nous des choses que Dieu y voit et que nous n’y apercevons pas. Et toutefois, autant que cela peut se faire, humainement parlant, une personne ne peut jamais être mieux connue que par elle-même : une autre ne peut savoir ce qui se passe en elle : son esprit propre en est seul capable. Mais si nous recevons l’Esprit de Dieu, nous apprenons à connaître même ce qui se passe en lui. Non pas tout ce qui s’y passe, néanmoins, parce que nous ne recevons pas l’Esprit de Dieu dans toute sa plénitude. Par ce gage d’amour, nous avons appris une foule de choses ; car nous l’avons reçu, et plus tard nous le recevrons dans toute sa plénitude. En attendant, qu’il nous console pendant le cours de ce terrestre pèlerinage, car si Dieu a bien voulu nous donner pour l’avenir une telle assurance, il est prêt à nous accorder beaucoup. Si telles sont les arrhes, que penser de ce pourquoi elles nous ont été données ?
6. Mais que veut dire l’Évangéliste par ces paroles : « Car le Saint-Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié ? » Sa pensée est évidente ; il est impossible de ne pas la saisir. Sans aucun doute, l’Esprit, qui était en Dieu, ne lui faisait pas défaut ; mais il n’était pas encore descendu dans l’âme de ceux qui croyaient en lui : car le Seigneur Jésus avait résolu de ne leur donner l’esprit dont nous parlons, qu’après sa résurrection : à cela, il y avait une raison. Si nous cherchons à la connaître, il nous aidera sans doute à y parvenir ; et si nous frappons, il nous ouvrira, afin que nous puissions entrer. C’est par la piété, et non par les mains, que nous frapperons ; et dans le cas où nous nous servirions, pour cela, de nos mains, qu’elles soient, du moins, toujours occupées, à faire des œuvres de miséricorde, Pourquoi donc Notre-Seigneur Jésus-Christa-t-il résolu de ne nous donner le Saint-Esprit qu’après sa glorification ? Avant de le dire de notre mieux, il nous faut d’abord, afin d’éviter tout scandale, chercher à savoir pourquoi le Saint-Esprit ne se trouvait pas encore en des hommes déjà saints, puisque, au rapport de l’Évangile, le Saint-Esprit fit reconnaître le Sauveur au vieux Siméon, immédiatement après sa naissance : sous l’inspiration du même Esprit-Saint, Anne la veuve, la prophétesse, le reconnut aussi [2]. Il en fut de même de Jean, lorsqu’il baptisa le Sauveur[3]. Rempli encore du Saint-Esprit, Zacharie prédit beaucoup de choses[4] : Marie elle-même, pour concevoir Jésus-Christ, reçut le Saint-Esprit[5]. Nous en avons donc plus d’une preuve : le Saint-Esprit a été donné avant que Jésus fût glorifié par la résurrection de son corps. C’était encore le même Esprit qui donnait aux Prophètes d’annoncer la venue du Christ ; mais la manière de donner le Saint-Esprit après sa résurrection devait être toute différente, car auparavant, on ne l’avait jamais vu descendre du ciel : c’est de cette manière nouvelle qu’il est ici question. Nulle part nous ne lisons, qu’avant la mort du Sauveur, des hommes réunis en uni même lieu aient reçu le Saint-Esprit et parlé la langue de toutes les nations, Mais ta première fois qu’il apparut à ses apôtres après sa résurrection, il leur adressa ces paroles : « Recevez le Saint-Esprit ». C’était de ce même Esprit qu’il était question dans cet autre passage : « Le Saint-Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. Et il souffla sur eux [6] ». C’était déjà lui qui, de son souffle, avait fait sortir de terre le premier homme, et lui avait donné la vie : c’était lui qui avait, par son souffle, donné une âme à Adam [7]. Par là, il montrait d’avance que ce serait encore lui qui soufflerait sur ses Apôtres, pour les élever au-dessus des choses de ce monde et les porter à renoncer aux œuvres de la terre. Telle fut la première circonstance, où, après sa résurrection que l’Évangéliste appelle sa glorification, le Seigneur donna l’Esprit-Saint à ses disciples. Il le leur donna encore, lorsqu’après être resté pendant quarante jours avec ses disciples, comme le démontre le texte sacré, il monta au ciel en leur présence et sous

  1. Mt. 26, 33-35
  2. Lc. 2, 25-38
  3. Jn. 1, 26-34
  4. Lc. 2, 67-79
  5. Id. 35
  6. Jn. 20, 22
  7. Gen. 2, 7