Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/583

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choses. Quel que fût leur aveu, ils ne pouvaient éviter le piège ; ils s’en aperçurent et dirent : « Nous l’ignorons ». « Alors », répliqua le Sauveur, « je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais ces choses [1] ». Je ne vous dis pas ce que je sais, parce que vous ne voulez point avouer ce que vous savez vous-même s. Ainsi remis avec à-propos à leur place, ils se retirèrent tout confus, et alors se trouva accompli ce que Dieu le Père, avait prédit par l’organe du Prophète-Roi dans un psaume : « J’ai allumé le flambeau de mon Christ », c’est-à-dire, Jean-Baptiste ; « je couvrirai de honte ses ennemis [2] ».
3. Le Seigneur Jésus avait donc pour lui le témoignage des Prophètes qu’il avait envoyés devant lui, des hérauts qui précédaient le souverain Juge ; il avait aussi celui de Jean ; maïs il se rendait encore 1ui-même témoignage, et ce témoignage était plus puissant que tous les autres. Avec leurs yeux malades, les Juifs avaient besoin de lampes, car ils ne pouvaient supporter l’éclat du jour. En effet, l’Évangéliste Jean, dont nous tenons le livre entre nos mains, nous parle en ces termes de Jean le précurseur, au commencement de son Évangile : « Et un homme fut envoyé de Dieu, et son nom était Jean ; il vint pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Il n’était pas la lumière, mais il était venu pour rendre témoignage à celui qui était la lumière. Et celui-là était la véritable lumière qui s éclaire tout homme venant en ce monde ». Si elle éclaire tout homme, elle éclairait donc Jean lui-même. C’est pourquoi l’Évangéliste précité dit encore : « Nous avons tous reçu de sa plénitude[3] ». Comprenez bien tout ceci : par là, votre âme grandira dans la foi de Jésus-Christ ; et ainsi vous ne serez pas toujours des enfants à la mamelle, qui repoussent des aliments solides. Vous devez être sevrés et nourris dans le sein de notre mère, la sainte Église du Christ ; vous devez vous préparer à prendre de cœur, et non de corps, une nourriture plus substantielle. Comprenez. le donc bien : autre est la lumière qui éclaire par elle-même, autre est celle qui reçoit d’ailleurs son éclat. Nous disons que nos yeux sont notre lumière ; chacun de nous, en y portant la main, jure par eux et s’exprime de la sorte : Ainsi vivent mes lumières ; car voilà le jurement en usage. Si ces lumières en sont de véritables, qu’elles se montrent et t’éclairent, quand, dans un appartement bien fermé, toute autre lumière te fait défaut. Elles en sont absolument incapables. Ces lumières que nous portons sur notre visage, et que nous appelons de ce nom, ont donc besoin des rayons d’une autre lumière, placée en dehors d’elles, même lorsqu’elles sont nettes et que rien ne les empêche de se montrer ; retirez-leur ou ne leur présentez pas cette lumière extérieure, elles ont beau être nettes et bien visibles, elles ne peuvent nous éclairer. De même en est-il de notre esprit : c’est l’œil de notre âme ; il faut qu’il reçoive les rayons de la vérité ; il faut qu’il soit merveilleusement illuminé par celui qui éclaire et n’est éclairé par personne ; sans cela, il ne pourra jamais parvenir ni à la sagesse ni à la justice. Nous conduire suivant les règles de la justice, voilà notre véritable chemin. Mais comment ne pas trébucher dans le chemin, si l’on n’a devant soi de la lumière ? Elle est indispensable pour parcourir une telle voie, et, quand par son secours on voit son chemin, c’est un immense avantage. Tobie portait sur son visage des yeux fermés à la lumière ; son fils le conduisait par la main, mais il donnait à celui-ci les indications nécessaires pour ne pas s’écarter de la voie droite[4].
4. Les Juifs lui répondirent donc : « Tu rends témoignage de toi-même ; ton témoignage n’est pas selon la vérité ». Voyons ce que Jésus leur a dit : Écoutons-le nous-mêmes, mais avec des dispositions différentes. Eux l’écoutaient avec mépris : Écoutons-le avec esprit de foi ; eux voulaient

  1. Mt. 21, 23-27
  2. Ps. 131, 17, 18
  3. Jn. 1, 8-9, 16
  4. Tob. 2, 11, 4