Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/592

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qui suit : « Si je descends au fond des enfers, vous voilà ». Si on le rencontre au fond des enfers, en quel autre lieu pourrait-on ne pas le trouver ? Le Seigneur dit lui-même par la bouche d’un Prophète : « Je remplis le ciel et la terre[1] ». Il est donc partout, puisqu’on ne peut circonscrire son être en aucun lieu. Ne t’éloigne pas de lui, et il est avec toi. Veux-tu parvenir jusqu’à lui ? ne sois point lent à l’aimer ; c’est par les affections du cœur, et non par les mouvements du corps, qu’on s’approche de lui. Crois et aime, et, sans changer de place, tu franchis la distance qui t’en sépare. Il est donc en tout lieu ; mais, s’il est partout, pourrait-il ne pas être avec son Fils ? Eh quoi ! Il ne serait pas avec son Fils, et il est avec toi, si tu as la foi ?
9. D’où vient donc la vérité du jugement du Sauveur, sinon de ce qu’il est le vrai Fils de Dieu ? Il l’a dit lui-même : « Si je juge, mon jugement est véritable, parce que je ne suis pas seul, et qu’avec moi est le Père qui m’a envoyé ». C’est comme s’il disait : « Mon jugement est véritable », parce que je suis le Fils de Dieu. Quelle preuve me donnez-vous de votre filiation divine ? « Je ne suis pas seul ; le Père qui m’a envoyé, est avec moi ». Rougis, disciple de Sabellius, car tu entends parler distinctement du Fils et du Père. Le Père, c’est le Père ; le Fils, c’est le Fils. Jésus n’a pas dit : Je suis le Père, et je suis en même temps le Fils ; mais il a dit : « Je ne suis pas seul ». Pourquoi n’êtes-vous pas seul ? Parce que le Père est avec moi. « Je suis, et avec moi est le Père qui m’a envoyé ». Des deux personnes, n’en détruis pas une, mais distingue-les l’une de l’autre. Que ton intelligence te serve à établir cette distinction ; mais que la mauvaise foi ne te les fasse point séparer ; autrement, tu fuirais Charybde pour tomber en Scylla. L’abîme de l’impiété sabellienne t’engloutirait, si tu disais que le Fils n’est autre que le Père ; tu as entendu ces paroles : « Je ne suis pas seul, mais le Père qui m’a envoyé est avec moi ». Tu reconnais que le Père est le Père, et que le Fils est le Fils. C’est bien, mais ne dis pas : Le Père est plus grand, le Fils est moindre ; ne dis pas : Le Père est de l’or, le Fils est de l’argent. En eux, unité de substance, de divinité, de coéternité, égalité parfaite, nulle dissemblance. Si tu regardes le Christ comme une personne seulement autre que le Père et différente de lui, mais que tu le considères comme n’étant pas avec lui de nature tout à fait pareille, tu as échappé, sans doute, aux dangers de Charybde, mais tu es allé faire naufrage au milieu des récifs de Scylla. Dirige ta voile entre ces deux écueils, évite les approches de ces périlleux abîmes. Le Père est le Père, le Fils est le Fils. En disant : Le Père est le Père, le Fils est le Fils, tu as certainement échappé au péril de tomber dans un gouffre ; pourquoi vouloir te précipiter dans l’autre, en disant : Autre chose est le Père, autre chose est le Fils ? Dire qu’il est autre, c’est parler juste ; dire qu’il est autre chose, c’est mal t’exprimer. Le Fils est autre que le Père, parce qu’il n’est pas le même que le Père : le Père est autre que le Fils, parce qu’il n’est pas le même que le Fils ; néanmoins, le Père et le Fils ne sont pas autre chose, parce qu’ils sont la même chose. Ils sont la même chose : qu’est-ce à dire ? Un seul Dieu. Tu as entendu ces paroles : « Je ne suis pas seul, mais le Père qui m’a envoyé, est avec moi ». Écoute le Fils : il va lui-même t’apprendre ce que tu dois croire du Père et du Fils. « Moi et mon Père, nous sommes une même chose [2] ». Remarque bien ces deux termes : « Nous sommes une même chose », et tu seras préservé de tomber en Charybde et en Scylla. De ces deux termes, l’un, « une même chose », te préserve de l’erreur d’Arius, l’autre, « nous sommes », te garantit de celle de Sabellius, S’il y a « unité », il n’y a pas diversité de substance ; le mot « nous sommes » prouve l’existence du Père et du Fils ; car si le Sauveur ne parlait que d’un seul, il ne dirait pas : « Nous sommes » ; et s’il y avait entre eux diversité de nature, il ne se servirait pas de l’expression : « Une même chose. Mon jugement », dit-il, « est véritable » ; en voici en deux mots la raison ; c’est que je suis le Fils de Dieu. Mais, ajoute-t-il, en te disant que je suis le Fils de Dieu, je veux te faire entendre que mon Père est avec moi ; de ce que je suis son Fils, il ne résulte nullement que je me sois éloigné de lui ; je ne me trouve pas ici de telle façon qu’il ne s’y trouve pas avec moi ; il n’est pas lui-même au ciel, de manière à ce que je n’y sois pas avec lui. J’ai

  1. Jer. 23, 24
  2. Jn. 10, 30,