Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/621

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tourner ses regards vers la liberté ; pour lui, elle existe déjà, mais pas encore dans toute sa perfection. Pourquoi, dira quelqu’un, pourquoi n’est-elle pas alors dans sa perfection ? Parce qu’alors « je vois dans mes membres une autre loi tout opposée à la loi de mon esprit ; en effet, ce que je veux, je ne le fais pas, et je fais ce que j’abhorre [1]. Car », ajoute-t-il, « la chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit, et l’esprit en a d’opposés à ceux de la chair, en sorte que vous ne faites pas ce que vous voudriez faire ». D’un côté, la liberté ; de l’autre, l’esclavage ; et, encore, cette liberté est-elle incomplète, obscurcie par des ombres, enfermée en d’étroites limites, parce qu’elle est encore de ce monde passager. Sous un rapport, nous sommes faibles ; sous un autre, nous avons reçu le bienfait de la liberté. Tous les péchés que nous avons commis ont été précédemment effacés par le baptême ; mais parce que toutes nos iniquités ont disparu, en est-il de même de toute faiblesse ? S’il en était ainsi, notre vie s’écoulerait exempte de toute faute. Qui est-ce qui oserait rendre de sa conduite un pareil témoignage ? Personne, excepté l’orgueilleux, l’homme indigne de la pitié du libérateur, celui qui veut se tromper lui-même, et en qui ne se trouve pas la liberté. Par cela même qu’il est resté en nous de la faiblesse, j’ose le dire, nous sommes libres, en tant que nous servons Dieu, et nous sommes encore esclaves en tarit que nous sommes soumis à la loi du péché. Voilà pourquoi l’Apôtre dit lui-même ce que nous avons déjà dit : « Selon l’homme intérieur, je trouve du plaisir dans la loi de Dieu ». La liberté nous vient donc de ce que nous trouvons du plaisir dans la loi de Dieu, car la liberté est chose agréable : tant que tu observes, par crainte, les règles de la justice, Dieu ne fait pas tes délices ; tant que tu agis comme esclave, tu n’éprouves aucun charme ; dès que la joie du Seigneur entre dans ton âme, tu es libre. Ne redoute pas le châtiment, aime la justice. Peut-être ne peux-tu pas l’aimer encore ? Alors, crains même le châtiment, afin de parvenir à aimer la justice.
11. L’Apôtre se sentait donc libre dans la portion la plus élevée de son être ; voilà pourquoi il disait : « Selon l’homme intérieur, je trouve du plaisir dans la loi de Dieu ». La loi me charme ; je trouve du plaisir à ce qu’elle me commande ; c’est la justice même qui fait mon bonheur. « Je vois, dans mes membres, une autre loi » ; voilà ce qui reste de faiblesse en nous. « Elle est en opposition avec la loi de mort âme ; elle me captive sous la loi du péché qui se trouve dans mes membres ». Du côté où toute justice n’est pas accomplie, il rencontre l’esclavage ; car, dès qu’on trouve du plaisir dans la loi de Dieu, ou n’est plus esclave, mais ami de la loi, et dès lors qu’on l’aime, on est libre. Que nous reste-t-il donc à faire ? Rien autre chose qu’à nous tourner vers Celui qui a dit : « Si le Fils vous affranchit, vous serez alors vraiment libres ». L’Apôtre, dont nous citions tout à l’heure les paroles, s’est tourné vers lui : « Malheureux que je suis, qui est-ce qui me délivrera du corps de cette mort ? La grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Donc, si le Fils de Dieu vous affranchit, vous serez vraiment libres ». Enfin, voici comme il termine : « Ainsi, je suis moi-même soumis à la loi de Dieu par l’esprit, et à la loi du péché par la chair [2] ». « Moi-même », dit-il, car nous ne sommes pas deux, émanés de deux principes contraires et opposés l’un à l’autre ; mais « je suis moi-même soumis à la loi de Dieu par l’esprit, et à la loi du péché par la chair », tant que ma faiblesse s’oppose à mon salut.
12. Mais si, par la chair, tu es soumis à la loi du péché, fais ce que dit le mérite a Apôtre : Que le péché ne règne donc point «

  1. Gal. 5, 17
  2. Rom. 7, 19-25