Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/632

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que le chrétien pourrait dire : « À Dieu ne a plaise que je me glorifie en autre chose « qu’en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ [1] ». Au moment où il l’a voulu, il a laissé son corps sur la croix, et il s’en est éloigné : à l’heure désignée par lui, il a été déposé dans le sépulcre, et il en est sorti comme de son lit, quand ç’a été son bon plaisir. Ainsi, mes frères, quant à sa forme d’esclave (car y a-t-il un homme capable de répéter, comme elles le mériteraient, ces paroles : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu ; et le Verbe était Dieu ?) », quant à sa forme d’esclave, il y a une grande différence entre la gloire du Christ et celle des autres hommes. C’était de cette gloire qu’il parlait, quand les Juifs prétendaient, devant lui, qu’il était possédé du démon. « Je ne cherche pas ma gloire : il y a quelqu’un pour la chercher et juger ».
10. Mais, Seigneur, que dites-vous de vous-même ? « En vérité, en vérité, je vous le dis si quelqu’un garde ma parole, il ne verra point la mort ». Vous dites : « Tu es possédé du démon ». Moi, je vous appelle à la vie gardez ma parole, et vous ne mourrez pas « Il ne verra jamais la mort ; celui qui garde mes commandements ». Et ils s’irritaient, parce qu’ils étaient déjà devenus les victimes de cette mort qu’il fallait éviter. « Les Juifs lui dirent donc : Maintenant, nous connaissons que tu es possédé du démon : Abraham est mort, et les Prophètes aussi sont morts ; et tu dis : Si quelqu’un garde ma parole, jamais il ne goûtera la mort ». Remarquez l’expression de l’Écriture : « Il ne verra pas », c’est-à-dire, « il ne goûtera pas la mort. Il verra la mort, il goûtera la mort ». Qui est-ce qui, la voit ? Qui est-ce qui la goûte ? Quels yeux, a l’homme pour voir quand il meurt ? Lorsque, par sa venue, la mort nous ferme les yeux pour nous empêcher de voir, comment le Sauveur peut-il dire : « Il ne verra, pas ? » Et encore de quel palais, de quelle gorge, se servir pour goûter la mort, pour en connaître la saveur ? Quand elle ôte tout : sentiment du goût, par quel moyen ressentir ses impressions ? Les mots : « Il verra, il goûtera », sont donc employés ici pour cet autre : « Il expérimentera ».
11. Le Sauveur, qui devait mourir, car suivant l’expression du Psalmiste. « Au Seigneur lui-même la mort était réservée [2] ». le Sauveur parlait ainsi à des hommes que je dirais destinés à la mort, si je ne craignais de n’en pas dire assez : il devait mourir, et il adressait ces paroles à des gens qui devaient aussi mourir ; mais pourquoi s’exprimait-il de la sorte : « Celui qui gardera ma parole, ne verra jamais la mort ? » Il avait certainement en vue un autre genre de mort, dont il était venu nous délivrer : c’était une seconde mort, la mort éternelle, la mort de la géhenne, la mort par laquelle on est condamné à aller avec le démon et avec ses anges. Voilà la véritable mort : l’autre n’est qu’un changement de place. Qu’est-ce, en effet, que la mort temporelle ? C’est abandonner le corps, c’est se débarrasser d’un lourd fardeau : pourvu qu’un autre ne pèse point sur nous, et ne nous entraîne pas dans les flammes éternelles ! Le Sauveur avait en vue la seconde mort, quand il disait : « Celui qui gardera mes commandements, ne verra jamais la mort ».
12. Ne nous étonnons point qu’il y ait une pareille mort, redoutons-la plutôt. Ce qu’il y a de pire, c’est que plusieurs en ont été frappés, pour avoir eu, de la mort du temps, une crainte coupable. On a dit à un certain nombre : Adorez les idoles ; si vous ne le faites pas, on vous fera mourir ; ou bien, on s’est exprimé comme autrefois Nabuchodonosor : Si vous ne le faites pas, on vous précipitera dans la fournaise ardente. Beaucoup se sont laissé intimider et se sont prosternés devant les faux dieux ; ils sont morts pour n’avoir pas voulu mourir ; ils ont redouté la mort qu’on ne peut éviter, et par là ils ont subi la mort dont ils auraient pu se garantir. Tu es né homme, tu mourras. Quel chemin suivrais-tu pour ne pas mourir ? Que faire pour ne pas tomber sous les coups de la mort ? Pour te consoler de la nécessité où tu es de mourir, ton Sauveur a daigné mourir volontairement. Et quand tu vois le Christ frappé de mort, tu ne veux pas mourir ? Tu mourras : inutile de chercher les moyens d’échapper à la mort : il n’y en a pas. Aujourd’hui ou demain, il te faudra y passer : c’est une dette, tu la paieras. À quoi peut réussir un homme qui tremble, qui prend la fuite et se, cache pour ne point tomber aux mains d’un ennemi ? Réussit-il à ne pas mourir ? Non seulement, il retarde un peu l’heure de sa

  1. Gal. 6, 14
  2. Ps. LLXVII, 21 #Rem