Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/642

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quoi leur sert ce dont ils font parade ? Bien vivre, voilà où chacun doit trouver le moyen de toujours vivre ; car à quoi sert la bonne vie, si elle n’aboutit à la vie éternelle ? Évidemment, ceux-là ne doivent point avoir la réputation de bien vivre, qui sont assez aveugles pour ne pas savoir où ils tendent, ou assez orgueilleux pour ne pas s’en occuper. Quant à l’espérance vraie et certaine de vivre toujours, personne ne peut l’avoir s’il ne connaît préalablement la vie, c’est-à-dire le Christ, et s’il n’entre dans la bergerie par la porte.
3. Les hommes dont nous parlons cherchent souvent aussi à persuader aux autres de bien vivre, sans être, pour cela, chrétiens. Ils veulent entrer par une autre porte, pour enlever les brebis et les tuer, et non, comme le pasteur, pour les conserver et les sauver. On a vu certains philosophes disserter subtilement sur les vertus et les vices ; ils distinguaient, ils définissaient, ils établissaient des raisonnements sur des pointes d’aiguilles, ils remplissaient des livres, ils vantaient leur sagesse à grand renfort de déclamations pompeuses ; ils allaient jusqu’à dire aux hommes : Suivez-nous, entrez dans notre secte, si vous voulez vivre heureux. Mais ils n’étaient pas entrés par la porte ; ils voulaient perdre, détruire et égorger.
4. Que dirai-je des Juifs ? Les Pharisiens lisaient les Écritures, et ce qu’ils lisaient leur parlait du Christ ; sa venue était l’objet de leurs espérances ; il était au milieu d’eux, et ils ne le reconnaissaient pas ; ils se vantaient d’être du nombre des voyants, c’est-à-dire du nombre des sages, ils refusaient de confesser le Christ et n’entraient point par la porte ; eux aussi, par conséquent, s’ils parvenaient à entraîner après eux quelques adeptes, ils les séduisaient, non pour les délivrer, mais pour les égorger et les faire mourir. Laissons-les donc pareillement de côté, pour savoir si ceux qui se glorifient de porter le nom de chrétiens entrent tous par la porte.
5. Ils sont innombrables ceux qui, non contents de se glorifier comme voyants, prétendent être regardés comme étant illuminés par le Christ ; on ne voit pourtant en eux que des hérétiques. Peut-être sont-ils entrés par la porte ? Non. Au dire de Sabellius, le Fils n’est autre que le Père ; néanmoins, s’il est le Fils, il n’est pas le Père. Celui qui affirme que le Fils est le Père, n’entre point par la porte. Arius dit à son tour : Autre chose est le Père, autre chose est le Fils. Il s’exprimerait avec justesse, s’il disait : autre, et non autre chose. En disant : autre chose, il se met en contradiction avec celui qui a proféré ces paroles : « Mon Père et moi, nous sommes a une seule et même chose[1] ». Lui non plus n’entre point par la porte, puisqu’il parle du Christ, non dans le sens de la vérité, mais selon son sens propre. Tu profères un nom qui ne s’applique à aucune réalité. Il est évident que le nom de Christ doit s’appliquer à. quelque chose de réel ; crois donc à ce quelque chose, si tu veux que le nom de Christ ne soit point vide de sens. Un autre, venu je ne sais de quel pays, comme Photin, soutient que le Christ est un homme et qu’il n’est pas Dieu ; celui-là n’entre pas davantage par la porte, car le Christ est, en même temps, homme et Dieu. Mais il est inutile de citer un plus grand nombre d’erreurs ; à quoi nous servirait d’énumérer tous les vains systèmes des hérétiques ? Tenez ceci pour certain : le bercail du Christ, c’est l’Église catholique ; quiconque veut y pénétrer, doit passer par la porte et confesser hautement le vrai Christ, et il doit non seulement confesser le vrai Christ, mais chercher la gloire du Christ, et non la sienne propre ; car en cherchant leur propre gloire, beaucoup ont plutôt dispersé les brebis du Sauveur, qu’ils ne les ont réunies ensemble. La porte, qui est le Seigneur-Christ, ne s’élève pas bien haut ; pour y passer, il faut s’abaisser, afin de pouvoir y entrer sans se blesser la tête. Celui qui s’élève au lieu de s’abaisser, veut escalader le mur ; et celui qui escalade le mur, ne s’élève que pour tomber.
6. Cependant, le Sauveur Jésus parle encore à mots couverts, on ne le comprend pas encore ; il prononce les mots de porte, de bercail, de brebis ; il appelle, sur tout cela, notre attention, mais il ne nous l’explique pas encore. Continuons donc notre lecture ; il ne tardera pas à en venir à l’explication des paroles qu’il vient de nous adresser ; il daignera bientôt nous en indiquer le sens ; par là, il nous donnera peut-être de comprendre même celles qu’il ne nous a pas expliquées. Il nourrit notre âme par les enseignements qui ne présentent pas d’obscurité ; par les

  1. Jn. 10, 30