Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/644

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lui des hérauts, mais il tenait en ses mains le cœur de ces émissaires divins. Voulez-vous être certains qu’ils étaient venus avec le Christ qui est toujours ? Il s’est fait homme dans le temps. Qu’est-ce à dire : toujours ? « Au commencement était le Verbe [1] ». Ceux qui sont venus avec le Verbe sont donc venus avec le Christ. « Je suis », dit-il, « la voie, la vérité et la vie [2] ». S’il est la vérité, les Prophètes sont donc venus avec lui, puisqu’ils ont dit la vérité. Tous ceux qui sont venus en dehors de lui sont, par conséquent, « des voleurs et des brigands » ; ils sont venus pour voler et faire mourir.
9. « Mais les brebis ne les ont point entendus ». Ces paroles : « Les brebis ne les ont point entendus », sont plus obscures encore. Avant que Notre-Seigneur Jésus-Christ vint sur la terre et s’humiliât jusqu’à se faire homme, il y eut des justes pour croire qu’il viendrait, comme nous croyons qu’il est déjà venu. Les temps ont été divers, mais la foi a toujours été la même. Les verbes eux-mêmes changent suivant les époques qu’ils désignent, puisqu’ils ont une terminaison différente. Il viendra, ne se prononce pas comme, il est venu. Quand on dit : Il viendra, on ne fait pas entendre le même son de voix qu’en disant : il est venu ; néanmoins, la même croyance unit et ceux qui ont cru à sa venue future, et ceux qui le croient venu. Nous voyons que les uns et les autres sont tous entrés, quoique à des époques différentes, par la porte de la foi, c’est-à-dire par le Christ. Nous croyons que Notre-Seigneur Jésus-Christ, né d’une Vierge, est venu dans la chair, qu’il y est mort, ressuscité et monté au ciel. Comme ces verbes sont au temps passé, nous croyons que tous ces événements se sont accomplis. Nos pères, qui ont cru que le Sauveur naîtrait d’une Vierge, mourrait, ressusciterait et monterait au ciel, sont unis à nous, par les liens d’une même foi ; c’est à eux que l’Apôtre fait allusion quand il dit : « Nous avons un même esprit de foi, selon qu’il est écrit : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé ; nous croyons aussi, et c’est pour cela que nous parlons [3] ». Le Prophète avait dit : « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé [4] » ; l’Apôtre dit à son tour : « Nous croyons aussi, et c’est pour cela que nous parlons ». Et pour prouver qu’il y a unité de foi, Paul dit expressément : « Nous avons un même esprit de foi, et nous croyons ». Voici ce que nous lisons dans une autre de ses épîtres : « Mes frères, je ne veux, point vous laisser ignorer que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous passé la mer Rouge, et qu’ils ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse, dans la nuée et dans la mer, qu’ils ont tous mangé la même viande spirituelle, et qu’ils ont bu le même breuvage spirituel ». La mer Rouge est l’emblème du baptême : Moïse, qui a conduit les Israélites à travers la mer Rouge, représente le Christ ; le peuple qui la franchit, ce sont les fidèles ; la mort des Égyptiens signifie la rémission des péchés. Les signes sont différents, la foi est la même. Il en est de la diversité des signes comme de la diversité des paroles ; les paroles se prononcent différemment selon qu’elles représentent un temps ou un autre, et véritablement elles ne sont rien autre chose que des signes. Elles ne sont des paroles qu’autant qu’elles ont un sens ; ôte à une parole sa signification, il ne reste plus qu’un vain bruit. Toutes choses ont donc été représentées par un signe. Ceux qui nous transmettaient ces signes, et nous annonçaient d’avance par des prophéties ce que nous croyons aujourd’hui, ceux-là n’avaient-ils pas la même foi que nous ? Certes, ils croyaient comme nous, avec cette seule différence que l’avenir était l’objet de leur foi, et que le passé est l’objet de la nôtre. Voilà pourquoi l’Apôtre a dit : « Ils ont bu le même breuvage spirituel » ; le même breuvage spirituel ; car, celui dont ils rafraîchissaient leurs corps était différent. Que buvaient-ils spirituellement ? « Ils buvaient de l’eau de la pierre spirituelle qui les suivait, et cette pierre était Jésus-Christ [5] ». Remarquez-le donc : quoique la foi fût toujours la même, les signes ont varié. Pour nos pères, le Christ était la pierre ; pour nous, le Christ est placé sur l’autel. Par une grande et mystérieuse allusion au même Christ, ils buvaient de l’eau qui sortait de la pierre ; ce que nous buvons nous-mêmes, les fidèles le savent. Si tu t’arrêtes aux apparences, tu verras une différence réelle ; mais si tu pénètres le sens caché, tu te convaincras qu’ils ont bu le même breuvage spirituel. Tous ceux donc qui, dans les temps antérieurs au Christ, ont ajouté foi aux prédictions

  1. Jn. 1, 1
  2. Id. 14, 6
  3. 2 Cor. 4, 13
  4. Ps. 115, 10
  5. 1 Cor. 10, 1-4