Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/652

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quand des mercenaires vous la transmettent ? Parce qu’ils sont assis sur la chaire de Moïse, ils vous enseignent la loi de Dieu ; c’est donc par leur intermédiaire que Dieu vous instruit. Ne les écoutez pas s’ils veulent vous dire des choses qui viennent d’eux-mêmes ; ne faites pas non plus ce qu’ils vous commandent en leur propre nom. De telles gens cherchent leurs intérêts, et non ceux de Jésus-Christ ; pourtant aucun mercenaire n’a osé dire au peuple chrétien : Cherche ton avantage, oublie celui de Jésus-Christ. Le mal qu’il fait, il ne le prêche pas du haut de la chaire du Christ ; s’il fait du mal, ce n’est pas en disant bien, c’est en faisant mal. Saisis la grappe de raisin, mais prends garde aux épines. Pour vous qui m’avez compris, c’est bien ; mais à cause des personnes dont l’intelligence est moins vive, je vais me répéter, de manière à me mettre plus à leur portée. Comment ai-je pu dire : Saisis la grappe de raisin, et prends garde aux épines, quand le Seigneur dit lui-même : « Recueille-t-on des a raisins sur des épines, ou des figues sur des ronces [1] ? » Ses paroles sont la pure vérité ; néanmoins, je n’ai rien dit de faux en m’exprimant ainsi : Saisis la grappe de raisin, et prends garde aux épines. En effet, le raisin provenant de la racine de la vigne, pend au cep ; mais il arrive parfois que le sarment qui le supporte, s’introduit en grandissant dans un buisson d’épines ; et alors le buisson porte un fruit qui n’est pas le sien. La vigne n’a pas produit d’épines, mais le sarment est allé s’appuyer contre un buisson d’épines. Il ne faut rien faire autre chose que descendre jusqu’aux racines. Cherche celles de l’épine ; elle est complètement indépendante de la vigne ; cherche ensuite d’où provient le raisin, et tu verras qu’il sort de la racine de la vigne par l’intermédiaire des sarments. La chaire de Moïse était donc la vigne, les mœurs des Pharisiens étaient les épines. Doctrine pleine de vérité, mais transmise par des méchants ; sarment provenant du cep de vigne, raisin parmi les épines. Cueille ce raisin avec précaution, pour ne pas te blesser la main en voulant saisir le fruit, et si celui qui te dit de bonnes choses se conduit mal, écoute-le, mais ne l’imite pas. « Ce qu’ils disent, faites-le » ; cueillez les raisins ; mais « ce qu’ils font, ne l’imitez pas » : prenez garde aux épines. Quand même la voix du pasteur se ferait entendre à vous par l’organe de mercenaires, écoutez-la et ne devenez pas vous-mêmes mercenaires, puisque vous êtes les membres du pasteur. Le saint apôtre Paul avait dit : « Je n’ai personne qui se montre si parfaitement occupé de vous par l’effet d’une sincère amitié, car tous cherchent leur intérêt et non celui de Jésus-Christ ». En un autre endroit, il établit une distinction entre les mercenaires et les enfants de Dieu, et voici ce qu’il dit ; écoutez bien ses paroles : « Quelques-uns prêchent Jésus-Christ par un esprit d’envie et de contention, mais d’autres le font avec une intention droite : les uns prêchent Jésus-Christ par amour, sachant que j’ai été établi pour la défense de l’Évangile ; d’autres le prêchent par jalousie, et non pas avec des vues pures, croyant me susciter une plus grande affliction dans mes liens ». C’étaient des mercenaires qui portaient envie à l’apôtre Paul. Pourquoi étaient-ils jaloux de lui, sinon parce qu’ils recherchaient les avantages de cette vie ? Or, remarquez ce qu’il ajoute : « Mais qu’importe ? Pourvu que Jésus-Christ soit annoncé de quelque manière que ce puisse être, soit par occasion, soit par un vrai zèle, je m’en réjouis et je m’en réjouirai [2] ». Le Christ est la vérité ; que les mercenaires prêchent la vérité par occasion, que les enfants de Dieu l’annoncent par amour désintéressé, peu importe ; les enfants de Dieu attendent patiemment l’héritage éternel du Père ; les mercenaires ne désirent rien tant que le salaire temporel promis par celui qui loue leurs services ; ils m’envient la renommée que j’ai acquise parmi les hommes ; puisse cette renommée devenir moins grande, et la divine renommée du Christ être répandue en tous lieux par les prédications des mercenaires aussi bien que par celles des enfants de Dieu, puisqu’« elle est annoncée, soit par occasion, soit par un vrai zèle ! »
7. Nous venons de voir ce qu’est le mercenaire. Pour le loup, qui est-il, sinon le démon ? Qu’est-ce qui a été dit du mercenaire ? « Lorsqu’il voit venir le loup, il s’enfuit, parce que les brebis ne lui appartiennent pas, et qu’il ne s’en inquiète nullement ». L’apôtre Paul était-il de ce caractère ? Non. Et l’apôtre Pierre ? Non plus.

  1. Mt. 7, 16
  2. Phil. 1, 15-18