Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/656

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ce qui n’est pas elle, et elle se comprend elle-même. De même que l’intelligence humaine se voit, ainsi le Christ se prêche lui-même. S’il se prêche, il pénètre en toi par sa prédication, il entre en toi par lui-même. Il est aussi la porte qui mène à son Père, parce qu’il est impossible d’arriver au Père sans passer par lui. En effet, il n’y a qu’un Dieu, et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme[1]. On dit bien des choses avec le secours de la parole, et tout ce que j’ai dit, je l’ai évidemment dit à l’aide de la parole. Si je veux prononcer le mot parole, comment le ferai-je, sinon avec la parole ? Par conséquent, c’est elle qui nous aide à nous entretenir de ce qui n’est pas elle, et sans elle, il est impossible de la prononcer elle-même. Avec la grâce de Dieu, nous avons pu citer plusieurs exemples. Comprenez donc comment Notre-Seigneur Jésus-Christ est tout à la fois porte et pasteur : il est porte en s’ouvrant lui-même ; il est pasteur en entrant par lui-même. Et de fait, mes frères, il a donné à ses membres sa qualité de pasteur, car Pierre et Paul, et les autres Apôtres et les bons évêques sont pasteurs. Mais personne d’entre nous ne s’attribue la qualité de porte ; il a gardé pour lui seul le privilège de faire entrer par lui ses brebis. Enfin, l’apôtre Paul remplissait l’office de bon pasteur, quand il prêchait le Christ, car il entrait par la porte. Mais lorsque des brebis indisciplinées commencèrent à faire des schismes et à se faire d’autres portes, non pour y passer et se réunir dans le bercail, mais pour se perdre et se séparer les unes des autres ; mais pour dire, les uns : « Moi je suis à Paul », les autres : « Moi je suis à Céphas » ; ceux-ci : « Moi je suis à Apollo » ; ceux-là : « Moi je suis à Jésus-Christ » : épouvanté de ce que quelques-uns disaient : « Je suis à Paul », et semblant s’adresser à des brebis, il s’écria : Malheureuses ! par où allez-vous ? Je ne suis pas la porte : « Est-ce que Paul a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés[2] ? » Pour ceux qui disaient « Moi je suis au Christ », ils avaient trouvé la véritable porte.
4. Quant à la bergerie, qui n’est pas la bergerie du Christ, et au pasteur qui n’est pas le vrai pasteur, vous en entendez assez souvent parler ; car nous vous avons maintes fois dit qu’il ne doit y avoir qu’un bercail ; nous vous avons à tout moment prêché l’unité, pour y faire entrer toutes les brebis par le Christ, et empêcher qu’aucune d’elles vienne à suivre Donat. Mais pourquoi le Sauveur en a-t-il parlé en propres termes ? La raison en est facile à saisir. Il s’adressait aux Juifs : il avait été envoyé au milieu d’eux, non à cause de ceux qui s’entêtaient à nourrir les sentiments d’une haine sauvage, mais en faveur de certains membres de cette nation qu’il appelle ses brebis, et dont il dit : « Je ne suis envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël [3] ». Au milieu de ses ennemis en fureur, il les apercevait, et il prévoyait que ces hommes jouiraient un jour du calme des croyants. Que signifiaient donc ces paroles « Je ne suis envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël ? » Il n’avait manifesté sa présence corporelle qu’au peuple juif. Il n’est pas allé en personne visiter les Gentils, il s’est contenté de leur envoyer ses représentants ; mais, pour le peuple d’Israël, il lui a député ses Prophètes, et il l’a lui-même visité, afin que ceux qui le mépriseraient fussent plus grandement coupables en raison de sa venue au milieu d’eux. Le Sauveur a donc paru au sein de cette nation, il y a choisi sa mère, il a voulu y être conçu, y naître, y répandre son sang ; on y voit, on y adore la trace de ses pas, à l’endroit où il s’est arrêté en dernier lieu, où il a quitté la terre pour monter au ciel. Quant aux Gentils, il leur a envoyé ses représentants.
5. Mais quelqu’un s’imagine peut-être qu’au lieu de venir personnellement vers nous, le Christ s’est borné à nous envoyer ses ministres, et que, par conséquent, nous avons entendu non pas sa voix, mais celle de ses ambassadeurs. Il n’en est pas ainsi ; éloignez de vos cœurs une pareille pensée : il était présent dans la personne de ses envoyés. Au nombre de ces derniers se trouvait Paul lui-même ; écoute-le : c’était surtout pour les Gentils que Paul avait reçu sa mission d’Apôtre : voici ce qu’il dit, pour inspirer la crainte, non pas de lui-même, mais du Christ : « Est-ce que vous voulez éprouver la puissance de Jésus-Christ qui parle par ma bouche [4] ? » Écoutez le Sauveur lui-même. « Et j’ai d’autres brebis », parmi les Gentils, « qui ne sont pas de cette bergerie », c’est-

  1. 1 Tim. 2, 5
  2. 1 Cor. 1,12-13
  3. Mt. 15, 21
  4. 2 Cor. 13, 3