Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/669

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déjà gagné et qui est écrasé sous le poids de l’habitude ? Et cependant, même ce dernier, Jésus-Christ est assez puissant pour le ressusciter. Nous avons connu, nous avons vu, et nous voyons tous les jours des hommes qui, renonçant à une habitude criminelle, vivent ensuite beaucoup mieux que ceux qui les reprenaient. De tels hommes peut-être te faisaient horreur. Vois la sœur même de Lazare (si toutefois c’est elle qui couvrit de parfums les pieds du Seigneur, et les essuya avec ses cheveux après les avoir arrosés de ses larmes), cette sœur de Lazare fut plus avantageusement ressuscitée que son frère. Elle fut délivrée du poids énorme de ses habitudes criminelles. C’était en effet une pécheresse célèbre, et d’elle il a été dit : « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a aimé beaucoup[1] ». Nous en voyons beaucoup, nous en avons connu beaucoup qui ont été ainsi ressuscités ; que personne ne désespère, mais que personne ne se laisse aller à la présomption. Si le désespoir est un mal, la présomption en est aussi un. Évite le désespoir et ne choisis point ce qui pourrait te donner de la présomption.
4. Le Seigneur ressuscita donc Lazare ; vous avez entendu en quel état il était, c’est-à-dire ce que signifie sa résurrection. Continuons donc à lire ; et comme dans ce récit beaucoup de choses sont très-claires, nous ne donnerons point l’explication de chaque passage, afin de pouvoir traiter plus au long ce qu’il est nécessaire d’expliquer. « Or, il y avait un malade nommé Lazare, de Béthanie, dans la demeure de Marie et de Marthe, ses sœurs ». Vous vous souvenez que, dans la dernière lecture, le Seigneur s’échappa des mains de ceux qui voulaient le lapider, et qu’il se retira au-delà du Jourdain, au lieu où Jean baptisait[2]. Pendant que le Seigneur était là, Lazare était malade à Béthanie, bourg rapproché de Jérusalem.
5. « Or, Marie était celle qui oignit le Seigneur de parfum et qui essuya ses pieds avec ses cheveux, et son frère Lazare était malade. Ses sœurs envoyèrent donc vers Jésus, disant ». Nous avons déjà compris où elles envoyèrent ; c’était là où se trouvait le Seigneur, car il était absent, et il se trouvait au-delà du Jourdain. Elles envoyèrent vers le Seigneur, lui annonçant que leur frère était malade, afin qu’il vînt, s’il le voulait bien, et qu’il le délivrât de sa maladie. Mais le Christ différa de le guérir, afin de pouvoir le ressusciter. Que lui firent donc dire les sœurs de Lazare ? « Seigneur, celui que vous aimez est malade » ; elles ne lui dirent pas : Venez. Comme il aimait Lazare, il suffisait de lui annoncer qu’il était malade. Elles n’osèrent pas lui dire : Venez et guérissez-le ; elles n’osèrent pas lui dire : Commandez du lieu où vous êtes, et il sera fait ici comme vous l’ordonnerez. Mais pourquoi n’osèrent-elles pas le faire, puisque ce fut précisément là le motif pour lequel la foi du centurion mérita des éloges ? Le centurion dit en effet : « Je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit, mais seulement dites une parole et mon serviteur sera guéri [3] ». Elles ne lui dirent rien de pareil, mais seulement ceci : « Seigneur, celui que vous aimez est malade ». Il suffit que vous le sachiez, car ceux que vous aimez vous ne les abandonnez pas. Mais, dira quelqu’un, comment Lazare peut-il figurer le pécheur, puisque le Seigneur l’aimait si tendrement ? Que celui-là écoute le Seigneur, car il nous dit : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs[4] ». Si Dieu n’avait pas aimé les pécheurs, il ne serait pas descendu du haut du ciel sur la terre.
6. « Or, Jésus entendant cela, leur dit : Cette maladie ne va point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié ». Cette glorification du Fils ne l’a pas grandi ; c’est à nous qu’elle a profité. Il dit donc : « Cette maladie ne va pas à la mort », parce que la mort même de Lazare n’allait point à la mort, mais bien plutôt au miracle qu’il devait faire pour amener les hommes à croire en Jésus-Christ, et à éviter la mort éternelle. Remarquez comme Notre-Seigneur affirme indirectement qu’il est Dieu, à cause de quelques-uns qui disent que le Fils n’est pas Dieu. Il y a, en effet, des hérétiques qui nient que le Fils de Dieu soit Dieu. Qu’ils écoutent donc : « Cette maladie », dit Jésus, « ne va point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu ». Pour quelle gloire ? pour la gloire de quel Dieu ? Écoute ce qui suit : « Afin que soit glorifié le Fils de Dieu ». « Cette maladie ne va donc point à la mort », dit-il, « mais elle

  1. Lc. 7, 47
  2. Jn. 10, 39, 40
  3. Mt. 8, 8, 10
  4. Id. 9, 13