Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/723

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec vous jusqu’à la consommation des siècles[1] ». Mais ce n’est assurément pas celle qu’il désigne par ces mots : a Encore un peu de a temps je suis avec vous a ; car ce qui doit durer jusqu’à la fin du monde ne peut s’appeler un peu de temps ; ou bien, si l’on considère même cet intervalle comme n’étant qu’un peu de temps (car le temps vole avec rapidité, et aux yeux de Dieu, mille ans sont comme un jour ou comme une veille de la nuit [2]), on doit croire que ce n’est pas ce que Notre-Seigneur a voulu dire, car il ajoute : « Vous me chercherez, et, comme j’ai dit aux Juifs, où je vais vous ne pouvez pas venir » ; c’est-à-dire : après ce peu de temps où je suis avec vous, « vous me chercherez, et où je vais vous ne pouvez pas venir ». Est-ce que, après la fin du monde, les disciples ne pourront pas aller où il va lui-même ? Mais alors que signifie ce qu’il doit dire peu après dans le même discours : « Père, je veux que, où je suis, ils soient, eux aussi, avec moi [3] ? » Ce n’est donc pas de cette présence, par laquelle il est avec eux jusqu’à la fin du monde, qu’il a voulu parler lorsqu’il a dit : « Encore un peu de temps je « suis avec vous ». Il avait en vue le peu d’heures que, dans sa faiblesse et sa mortalité, il devait passer avec eux jusqu’à sa passion ; ou bien sa présence corporelle dont il devait les faire jouir jusqu’à sa résurrection. De ces deux sentiments, chacun peut choisir celui qui lui agrée le plus : ils n’ont rien de contraire à la foi.
3. Quelqu’un trouvera peut-être que le sens donné par nous à ces paroles : « Encore un peu de temps je suis avec vous », s’écarte de la vérité, et qu’ainsi Notre-Seigneur n’a pas voulu faire allusion au temps qu’il devait passer avec ses disciples jusqu’à sa passion, dans la communion d’une chair mortelle ; celui-là doit remarquer les paroles que Notre-Seigneur prononça après sa résurrection, et que nous trouvons dans un autre Évangéliste : « Je vous ai dit ces choses lorsque j’étais encore avec vous[4] ». N’était-il pas alors avec ses disciples assemblés autour de lui, qui le voyaient, le touchaient et lui parlaient ? Que veulent donc dire ces mots : « Lorsque j’étais encore avec vous ? » Le voici : Lorsque j’étais dans une chair mortelle, comme celle où vous êtes encore ; alors en effet il était ressuscité dans la même chair, mais il n’était plus dans la condition mortelle de ses disciples. Quand il était revêtu d’une chair immortelle, il a dit avec vérité : « Lorsque j’étais encore avec vous », et par ces paroles, nous ne pouvons entendre autre chose que ceci : Lorsque j’étais encore avec vous dans une chair mortelle ; de même en est-il de l’interprétation à donner à ce passage : « Encore un peu de temps je suis avec vous » ; on peut croire, sans tomber dans l’absurde, qu’il a voulu dire : Encore un peu de temps, je suis mortel comme vous l’êtes vous-même s. Voyons donc ce qui suit :
4. « Vous me chercherez, et comme j’ai dit aux Juifs, où je vais vous ne pouvez pas venir, je vous le dis aussi à vous présentement ». C’est-à-dire, présentement vous ne pouvez pas. Quand il parlait aux Juifs, il n’ajoutait pas le mot : « présentement » ; les disciples ne pouvaient donc pas, pour le moment, aller où il allait lui-même ; mais ils le pourraient dans la suite. Peu après, Notre-Seigneur le déclara ouvertement à l’apôtre Pierre ; ce disciple lui ayant dit : « Seigneur, où allez-vous ? » il lui répondit : « Où je vais, tu ne peux pas me suivre présentement, mais tu me suivras un jour [5] ». Mais c’est là une question importante, sur laquelle il ne faut point passer légèrement. Où donc les disciples ne pouvaient-ils pas suivre le Seigneur présentement, tandis qu’ils le pourraient plus tard ? Dirons-nous que c’est à la mort ? Mais pour l’homme venu au monde, quel est le temps où il n’a pas la facilité de mourir ? Tout le temps qu’il a un corps sujet à la corruption, il ne lui est pas plus facile de vivre que de mourir. Ce n’était donc pas que les disciples ne fussent pas encore aptes à suivre Notre-Seigneur jusqu’à la mort ; mais c’est qu’ils n’étaient pas encore aptes à le suivre jusqu’à la vie qui ne connaît point la mort. En effet, par sa résurrection d’entre les morts, Notre-Seigneur allait en un endroit où il ne devrait plus mourir, et où la mort n’aurait plus sur lui aucun empire[6]. Comment auraient-ils suivi leur Maître qui allait mourir pour la justice, puisqu’ils n’étaient pas encore mûrs pour le martyre ? Ou bien, comment auraient-ils suivi leur Maître jusqu’à l’immortalité de la chair, eux qui devaient bien mourir,

  1. Mt. 28, 20
  2. Ps. 89, 4
  3. Jn. 17, 24
  4. Lc. 24, 41
  5. Jn. 13, 36
  6. Rom. 6, 9