Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/82

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rien voir. Tu te replies sur toi-même et tu pleures devant Dieu ; tu soupires vers lui, avant de le voir, et tu gémis dans tes désirs ; et comme ce désir t’arrache des larmes, tes larmes te sont douces, elles sont ta nourriture, parce qu’elles sont devenues ton pain le jour et la nuit, quand chaque jour on te dit : « Où est ton Dieu ? » Mais ton Dieu viendra, ce Dieu dont il est dit : Où est-il ? et il essuiera tes larmes, et au lieu de ce pain des larmes, il sera lui-même ton pain, et il te rassasiera éternellement, parce que nous aurons avec nous ce Verbe de Dieu qui est le pain des anges. Nous n’avons donc ici-bas que les travaux de nos fruits, nous aurons ensuite le fruit de nos travaux. « Tu mangeras les travaux de tes fruits ; tu es heureux et tu seras comblé de biens ». Tu es heureux, voilà pour le présent ; tu seras comblé de biens, c’est l’avenir. Tu es heureux en mangeant les travaux de tes fruits, mais tu seras comblé de biens, quand tu mangeras les fruits de tes travaux ; Que veut dire le Prophète ? Car si tu es comblé de biens, tu seras heureux assurément ; et si tues heureux, tu seras comblé de biens. Mais il y a une différence entre l’espérance et la réalité ; si l’espérance est si douce, combien plus douce encore sera la réalité !
11. Arrivons maintenant à ce verset : « Votre Épouse ». C’est au Christ que s’adresse cette parole. Donc cette Épouse du Christ est son Église, et cette Église qui est son Épouse, c’est nous-mêmes. « Votre Épouse sera comme une vigne féconde ». Mais en qui cette vigne est-elle féconde ? Nous voyons entrer dans ces murailles de nos temples bien des hommes stériles ; car nous y voyons entrer beaucoup d’ivrognes, d’usuriers, de marchands d’esclaves, d’hommes qui cherchent des sortilèges, qui ont recours à des magiciens et à des magiciennes pour un mal de tête. Est-ce là cette fécondité de la vigne ? Cette fécondité de l’Épouse ? Nullement. Ce sont là des épines, mais la vigne n’est pas épineuse partout. Elle a une certaine fécondité, c’est une vigne fertile ; mais en qui est cette fertilité ? « Dans les flancs de votre maison ». Or, tous ne sont point les parois de cette maison. Je cherche quelles en sont les parois, et que dirai-je ? Que ce sont les murailles du bâtiment, les pierres qui le soutiennent ? Si je parlais de ce bâtiment matériel, peut-être en appellerais-je ainsi les parois. Mais nous appelons les côtés de la maison spirituelle, ceux qui demeurent étroitement attachés au Christ. Car ce n’est – pas sans raison que, dans le discours familier, nous disons de quelqu’un qui agit mal d’après le conseil de perfides amis Ses côtes sont mauvais. Qu’est-ce à dire, ses côtés sont mauvais ? Les gens qui l’assiègent sont pervers. Dès lors, celui dont les côtés sont bons vit de bons conseils. Qu’est-ce à dire ? Il est dirigé par des conseils salutaires. Les côtés de la maison sont donc les hommes attachés au Christ, et ce n’est pas sans raison que l’Épouse a été formée du côté de l’Époux. Adam dormait quand Eve fut formée[1], comme l’Église fut formée à la mort du Christ : la première prit naissance du flanc de son Époux, à qui Dieu avait enlevé une côte, et la seconde du flanc de son Époux, ouvert par un coup de lance, et d’où coulèrent les sacrements[2]. Donc ton Épouse est comme une vigne féconde ; mais dans qui ? « Dans les parois de ta maison ». Elle est stérile dans ceux qui ne s’attachent point au Christ. Aussi ne les compterai-je point dans cette vigne.
12. « Vos fils ». L’Épouse et les fils ne sont qu’un. Dans les épousailles charnelles, autre est l’Épouse et autres sont les enfants. Dans l’Église les enfants ne diffèrent point de l’Épouse, Car les Apôtres appartenaient à l’Église, ils en étaient les membres. Donc ils étaient dans l’Épouse du Christ, et ils étaient cette même Épouse selon la place qu’ils avaient parmi ses membres. Pourquoi donc le Sauveur dit-il à leur occasion : « Quand l’Époux les aura quittés, alors les fils de l’Époux jeûneront[3] ? » L’Église est donc l’Épouse, et eux sont les enfants. Chose étonnante, lues frères ! Dans les paroles du Sauveur, nous voyons que l’Église est en même temps les frères du Seigneur, et ses sœurs, et sa mère. Ou vient en effet lui dire que sa mère et ses frères sont dehors[4]. Comme ils étaient au-dehors, il y avait là une figure. Que figurait sa mère ? La synagogue. Et que figuraient ses frères, selon la chair ? Les Juifs qui étaient dehors. La synagogue aussi se tenait dehors. Car en ce qui regarde Marie, elle est dans les parois de la maison ; de même que ses proches du côté de la Vierge Marie, et qui croyaient en lui, étaient aussi dans l’intérieur,

  1. Gen. 2,21-22
  2. Jn. 19,31
  3. Mt. 9,15
  4. Id. 12,46