Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/83

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non point à cause des liens du sang, mais parce qu’ils écoutaient la parole de Dieu et la mettaient en pratique. Telle fut en effet la réponse du Sauveur : « Quelle est ma mère », dit-il, « et qui sont mes frères[1] ? » C’est ce passage qui a fait dire à quelques-uns que le Christ n’avait point de mère, puisqu’il dit : « Quelle est rua mère ? » Pourquoi cette conclusion ? Donc, ni Pierre, ni Jean, ni Jacques, ni les autres Apôtres n’ont point eu de père ici-bas ? Il leur dit en effet : « N’appelez personne votre père sur la terre, car vous n’avez qu’un seul Père qui est dans les cieux[2] », Il nous montrait donc à l’égard de sa mère ce qu’il apprenait à ses disciples à dire à l’égard du père. Il veut que nous préférions Dieu à toutes les parentés charnelles. Honneur à ton père, parce qu’il est ton père ; honneur à Dieu, parce qu’il est Dieu. Ton père dans la génération n’a été qu’un instrument charnel, c’est Dieu qui t’a créé par l’effet de sa puissance. Que le père ne se blesse point quand on lui préfère Dieu ; qu’il se réjouisse au contraire, qu’on l’honore au point de ne lui préférer que Dieu seul. Que dirai-je donc ? Que dit le Seigneur ? « Quelle est ma mère, et quels sont mes frères ? Et, étendant la main sur les disciples, voilà », dit-il, « ma mère et mes frères[3] ». Ils étaient ses frères, mais comment étaient-ils sa mère ? Le Sauveur ajoute : « Et quiconque fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, et ma sœur et ma mère ». Il est son frère à cause des hommes qui sont dans l’Église, sa sœur à cause des saintes femmes qui sont membres du Christ. Et comment sa mère, sinon parce que le Christ est dans les chrétiens que l’Église engendre chaque jour par le baptême ? Ceux donc qui forment l’Épouse du Christ sont aussi sa mère et ses fils.
13. Disons maintenant ce que doivent être ces fils, Oui, que seront-ils ? Pacifiques. Pourquoi pacifiques ? Parce que, « Bienheureux les pacifiques, puisqu’ils seront appelés enfants de Dieu[4] ». Comme donc l’olive est le fruit de la paix, car l’huile, symbole de charité, est aussi symbole de paix ; il n’y a aucune paix sans la charité. Or, ils n’ont évidemment pas la charité, ceux qui ont rompu la paix. Aussi ai-je expliqué déjà à votre charité pourquoi la colombe apporta dans l’arche des feuilles avec du fruit de l’olivier[5]. Elle enseignait ainsi que ceux qui ont été baptisés au-dehors, comme ces branches avaient été baptisées hors de l’arche, s’ils ne se contentent pas des feuilles ou des paroles, et qu’ils aient encore le fruit qui est la charité, sont ramenés dans l’arche par la colombe, et reviennent ainsi à l’unité. Tels doivent être les enfants autour de la table du Seigneur, comme des Plans d’olivier. Tel est donc le grand bonheur, le bonheur parfait ; qui voudrait n’y avoir aucune part ? Si donc tu vois un blasphémateur ayant une Épouse, des fils, des petits-fils, pendant que toi-même tu n’auras aucun de ces biens, n’en sois point jaloux ; vois que tu as tous ces biens, mais d’une manière spirituelle. Ne serais-tu point parmi les membres du Christ ? Si tu n’en es pas, pleure d’être dénué ici et là. Mais si tu en es, demeure en sûreté : riche avec lui et non ici-bas, il est mieux pour toi de l’être avec lui que selon le monde.
14. Si donc nous avons ces biens, pourquoi les avons-nous ? Parce que nous craignons le Seigneur. « Telle est la bénédiction réservée à l’homme qui craint Dieu[6] ». Cet homme signifie tous les hommes, et tous les hommes ne sont qu’un seul homme, car plusieurs ne font qu’un et il n’y a qu’un seul Jésus-Christ.
15. « Que le Seigneur te bénisse de Sion[7] ». Tu viens d’entendre : « Telle est la bénédiction réservée à l’homme qui craint le Seigneur ». Déjà tes yeux se tournaient vers ceux qui ne craignent point le Seigneur, et tu leur voyais des Épouses fécondes, des enfants nombreux environnant la table de leur père. Tu te laissais emporter à je ne sais quelles pensées. « Que le Seigneur te bénisse », dit le psaume ; mais « de Sion ». Ne cherche point de ces bénédictions qui ne viennent point de Sion. Mais le Seigneur n’a-t-il point réellement béni ces hommes, mes frères ? Il est vrai que cette bénédiction vient du Seigneur ; si elle n’était point du Seigneur, qui pourrait Épouser une femme contre la volonté de Dieu ? Qui peut avoir la santé contre la volonté de Dieu, la richesse contre la volonté de Dieu ? C’est Dieu qui donne ces biens. Mais ne vois-tu pas qu’il les donne aussi aux animaux ? Cette bénédiction n’est donc point de Sion. « Que le Seigneur » te bénisse de Sion, et puisses-tu voir les biens

  1. Mt. 12,48
  2. Id. 23,9
  3. Id. 13,48-49
  4. Id. 5,19
  5. Gen. 8,11
  6. Ps. 127,4
  7. Id. 5