Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/359

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pas créature, et s’il n’est pas créature, il est donc de la même substance ou nature que le Père. Et en effet, tout ce qui existe est créature, s’il n’est Dieu ; et tout ce qui n’est pas créature, est Dieu. De plus, si le Fils n’est pas consubstantiel au Père, il a donc été créé ; mais s’il a été créé, tout n’a donc pas été fait par lui, et cependant l’Evangéliste nous assure « que tout a été fait par lui ». Concluons donc et que le Fils est de la même substance ou nature que le Père, et que non-seulement il est Dieu, mais le vrai Dieu. C’est ce que saint Jean nous atteste expressément dans sa première épître : « Nous savons, dit-il, que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné l’intelligence, afin que nous connaissions le vrai Dieu, et que nous vivions en son vrai « Fils qui est Jésus-Christ. C’est lui qui est le vrai Dieu et la vie éternelle ( I Jean, V, 20 ) ».

10. Nous pouvons également affirmer que l’apôtre saint Paul parlait de la Trinité entière, et non du Père exclusivement, lorsqu’il disait « que Dieu seul possède l’immortalité ( I Tim., VI, 16 ) ». Et, en effet, l’Etre éternel ne saurait être soumis ni au changement, ni à la mortalité ; et par conséquent, dès là que le Fils de Dieu « est la vie éternelle », on ne doit point le séparer du Père quand on dit que celui-ci « possède seul l’immortalité ». C’est aussi parce que l’homme entre en participation de cette vie éternelle, qu’il devient lui-même immortel. Mais il y a une distance infinie entre celui qui est par essence la vie éternelle, et l’homme qui n’est immortel qu’accidentellement, et parce qu’il participe à cette vie. Bien plus, ce serait une erreur d’entendre séparément du Fils et à l’exclusion du Père, ces autres paroles du même apôtre : « Il le fera paraître en son temps, Celui qui est souverainement heureux, le seul puissant, le Roi des rois, et le Seigneur des seigneurs, qui seul possède l’immortalité ». Nous voyons, en effet, que le Fils lui-même parlant au nom de la Sagesse, car « il est la Sagesse de Dieu ( I Cor., I, 24 ) », ne se sépare point du Père, quand il dit : « Seul, j’ai parcouru le cercle des cieux ( Eccli., XXIV, 8 ) ». A plus forte raison, il n’est point nécessaire de rapporter exclusivement au Père et en dehors du Fils, ce mot de l’Apôtre : « Qui seul possède l’immortalité ». D’ailleurs, l’ensemble du passage s’y oppose. « Je vous commande, dit saint Paul à Timothée, d’observer les préceptes que je vous donne, vous conservant sans tache et sans reproche jusqu’à l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ que doit faire paraître, en son temps, Celui qui est souverainement heureux, le seul puissant, le Roi des rois, et le Seigneur des seigneurs ; qui seul possède l’immortalité, qui habite une lumière inaccessible, qu’aucun homme n’a pu ni ne peut voir, et à qui est l’honneur et la gloire aux siècles des siècles. « Amen ( I Tim., VI, 14, 15, 16 ) ». Remarquez bien que dans ce passage l’Apôtre ne désigne personnellement ni le Père, ni le Fils, ni l’Esprit-Saint, et qu’il caractérise le seul vrai Dieu, c’est-à-dire la Trinité tout entière par ces mots : « Celui qui est souverainement heureux, le seul puissant, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs ».

11. Mais peut-être vous troublez-vous, parce que vous saisissez difficilement ce mot de l’Apôtre : « Qu’aucun homme n’a pu, ni ne peut voir ». Rassurez-vous : il s’agit ici de la divinité de Jésus-Christ ; et en effet, les Juifs qui ne pouvaient voir en lui le Dieu, ne laissèrent pas de crucifier l’homme qu’ils voyaient. C’est qu’un œil mortel ne saurait contempler l’essence divine, et qu’elle n’est aperçue que de l’homme qui s’est élevé au-dessus de l’humanité. Nous avons donc raison de rapporter à la sainte Trinité ces paroles « Le Dieu souverainement heureux et seul puissant, qui fera paraître en son temps Notre-Seigneur Jésus-Christ ». D’ailleurs, si l’Apôtre dit ici que ce Dieu « possède seul l’immortalité », le psalmiste n’avait-il pas dit, « que seul il opère des prodiges ? ( Ps., LXXI, 18 ) ». Et maintenant je demanderai à mes adversaires de qui ils entendent cette parole. Du Père seul ? mais alors comment sera-t-elle véritable cette affirmation du Fils : « Tout ce que le Père fait, le Fils le fait également ? » De tous les miracles ? le plus grand est certainement la résurrection d’un mort. Eh bien ! « Comme le Père, dit Jésus-Christ, ressuscite les morts et les vivifie, ainsi le Fils vivifie ceux qu’il veut ( Jean, V, 19, 21 ) ». Comment donc le Père opèrerait-il seul des prodiges ? et comment pourrait-on expliquer autrement ces paroles qu’en les rapportant non au Père seul, ni au Fils, mais au seul vrai Dieu, c’est-à-dire au Père, au Fils et au Saint-Esprit ?