Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/382

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opération divine, et qu’elles la manifestèrent aux hommes sous de mystérieux emblèmes. Sans doute, saint Matthieu nous dit que la colombe représentait l’Esprit-Saint, et au livre des Actes saint Luc marque expressément qu’à la Pentecôte ce même Esprit parut sous la figure de langues de feu. « Il parut », dit-il, « comme des langues de feu qui se partagèrent, et se reposèrent sur chacun d’eux. Et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l’Esprit-Saint les faisait parler (Act., II, 3,1 ) ». Toutefois, il nous est défendu de dire que le Saint-Esprit était tout ensemble Dieu et colombe, Dieu et langues de feu, comme nous disons du Fils qu’il est Dieu et homme, et même qu’il est l’Agneau de Dieu, Cette dernière expression se rapporte à cette parole du saint précurseur : « Voici l’Agneau de Dieu ( Jean, I, 29 ) », et à la vision que saint Jean rapporte dans son Apocalypse, et où il vit Jésus-Christ comme un agneau immolé (Apoc., V, 6 ). Et en effet, dans cette vision, le prophète ne vit point des yeux du corps un agneau matériel et sensible, et il aperçut seulement du’ regard une forme idéale. Jean-Baptiste, au contraire, et les apôtres virent réellement et de leurs yeux une colombe et des langues de feu. J’avoue néanmoins qu’au sujet de ces langues on peut demander, en interprétant rigoureusement le texte de saint Luc, si les apôtres les virent des yeux du corps, ou du regard de l’esprit. Car l’évangéliste ne dit pas que les Apôtres virent comme des langues de feu se partager, mais qu’il parut comme des langues de feu. Or, nous ne disons pas dans le même sens : il parut, et j’ai vu. Quand il s’agit de formes corporelles qui se montrent en des visions imaginatives, nous disons également : il parut, et j’ai vu ; et quand il s’agit de corps réels et sensibles qui se présentent devant nos yeux, nous ne disons point ordinairement : il parut, mais j’ai vu. Il est donc permis de demander au sujet de ce feu, de quelle manière il a été vu. Les Apôtres le virent-ils par le regard intérieur de l’âme, ou des yeux du corps ? Je n’ose le décider. Mais pour ce qui est de la colombe, comme l’Evangile dit qu’elle parut sous une forme sensible et corporelle, on ne peut douter qu’elle n’ait été vue des yeux du corps. Observons encore qu’il serait inexact de dire que le Saint-Esprit était colombe, ou feu, dans le même sens que nous nommons Jésus-Christ la pierre, selon cette parole de l’Apôtre : « Or, cette pierre était le Christ ( I Cor., X, 4 ) ». Car cette pierre existait précédemment, et parce que son action symbolisait le Christ, elle en reçut le nom. Il en est de même de la pierre que prit Jacob, sur laquelle il s’endormit, et qu’il oignit ensuite d’huile pour la consacrer au Seigneur. Enfin, Isaac lui-même était la figure de Jésus-Christ lorsqu’il portait le bois du sacrifice ( Gen., XXVIII, 6, XXII, 6 ). Ici la pierre et le bois existaient antérieurement, et ils ne symbolisèrent Jésus-Christ que par une action extérieure et interprétative. La colombe, au contraire, et le feu furent instantanément créés pour exprimer l’opération du Saint-Esprit. C’est pourquoi je les comparerais volontiers au buisson ardent que vit Moïse, à la colonne de feu qui guidait les Israélites dans le désert, et aux éclats de la foudre qui ébranlait le Sinaï, lorsque Dieu y promulgua sa loi (Exod., III, 2, XIII, 21, 22, XIX 16. ). Et en effet, il y avait là une forme sensible et passagère qui annonçait la présence du Seigneur.


CHAPITRE VII.

APPARITIONS DIVINES.


12. C’est donc par rapport à ces formes corporelles que nous disons que le Saint-Esprit a été envoyé ; car elles n’existèrent que pour symboliser son opération secrète, et pour la rendre temporellement sensible aux regards des hommes. Toutefois, nous n’affirmons point que le Saint-Esprit soit inférieur au Père, ainsi que nous le disons du Fils, en tant qu’il est homme. C’est que le Fils s’est uni la nature humaine en unité de personne ; tandis que ces formes ne furent créées que pour signifier l’opération du Saint-Esprit, et qu’elles cessèrent ensuite d’exister. Mais pourquoi ne disons-nous pas que le Père a été envoyé, quoiqu’il se soit montré sous ces figures sensibles et corporelles, telles que le buisson ardent, la colonne de feu et de nuée, et les éclats du tonnerre, quoiqu’il ait alors parlé à nos pères, ainsi que l’Ecriture nous l’atteste ? Et en effet, Dieu le Père se révélait aux regards des hommes par ces formes corporelles et sensibles. Si, au contraire, c’était le Fils qui se manifestait ainsi, pourquoi n’est-il dit envoyé par le Père que bien des siècles plus