Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/406

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l’élève au-dessus de tous ceux qui doivent la partager ( Ps., XLIV, 8 ) ». Ainsi encore la verge de Moïse changée en serpent, signifiait le même Jésus-Christ qui devait se faire obéissant jusqu’à la mort de la croix. Aussi nous dit-il, en son Evangile : « Comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que celui qui croit en lui, ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle (Jean, III, 14, 15 ) ». Et en effet, tons ceux qui dans le désert regardaient le serpent d’airain, ne succombaient point aux morsures des serpents, et de même « le vieil homme a été crucifié en nous avec le Christ, afin que le corps du péché soit détruit (Rom., VI, 6 ) ». Car le serpent signifie ici la mort, puisque ce fut lui qui l’introduisit dans le paradis terrestre. Au reste, c’est une manière de parler assez commune que de prendre le nom de la cause ou de l’instrument pour l’effet qui en résulte. Mais continuons ce parallèle. La verge de Moïse fut changée en serpent, et Jésus-Christ est mort sur la croix. Ce serpent redevint ensuite en sa première forme, et de même au jour de la résurrection Jésus-Christ reprit son corps tout entier, c’est-à-dire qu’il doit rase sembler autour de lui tous ses élus, Mais cette réunion n’aura lieu qu’au dernier jour, comme l’indique la queue du serpent, que saisit Moïse pour qu’il redevînt une verge. D’un autre côté les serpents des magiciens nous représentent les incrédules et les impies qui, s’ils ne croient en Jésus-Christ, sont destinés à la mort éternelle, et ne partageront point la gloire de sa résurrection. Sans doute, comme je l’ai déjà observé, la pierre de Jacob avait une bien plus haute signification que les serpents des magiciens, et néanmoins le fait de ceux-ci dut paraître bien plus merveilleux. Mais ici les circonstances extérieures ne peuvent pas plus préjudicier au sens intrinsèque des choses, que si l’on écrivait en lettres d’or le nom d’un homme, et celui de Dieu avec de l’encre. 21. Quant à la manière dont les anges produisirent, ou firent paraître sur le Sinaï les feux et les nuées, soit que le Fils, ou l’Esprit-Saint se montrassent sous ces symboles, quel est l’homme qui se flatterait de le savoir ? Ce secret nous est caché, comme l’est à l’enfant le mystère eucharistique. Il voit bien qu’on place du pain sur l’autel, et qu’après le sacrifice on mange ce pain ; mais il ne peut comprendra comment ce pain est changé au corps de Jésus-Christ, et devient ainsi un sacrement. Supposons encore que cet enfant ne puisse s’instruire ni par lui-même, ni par le secours d’aucun maître, et qu’il assiste néanmoins à la célébration des divins mystères, quand le prêtre offre et distribue la sainte Eucharistie. Si une personne de poids et d’autorité lui dit alors que le pain et le vin sont le corps et le sang de Jésus-Christ, il croira tout simplement qu’autrefois Jésus-Christ s’est montré aux hommes sous la figure du pain, et que du vin a coulé de la blessure de son côté. C’est pourquoi je n’ai gardé d’oublier ma faiblesse personnelle, et je prie aussi mes frères de se rappeler leur propre fragilité, afin que ni les uns, ni les autres, nous ne soyons assez téméraires pour franchir les bornes de l’infirmité humaine : Et en effet comment les anges opèrent-ils ces divers prodiges, ou plutôt, comment Dieu les opère-t-il par ses anges ? Comment encore y emploie-t-il quelquefois les mauvais anges, soit qu’il laisse un libre cours à leur malice, soit qu’il leur intime ses ordres et ses volontés ? c’est là le secret du Très-Haut et du Tout-Puissant. Pour moi, je ne saurais ni pénétrer du regard ces profonds mystères, ni les expliquer par les forces de la raison, ou les comprendre par la perspicacité de l’esprit. Et toutefois je répondrai à toutes les questions qui me seront adressées sur ce sujet, avec non moins d’assurance que si j’étais un ange, un prophète ou un apôtre. D’ailleurs le Sage nous dit que « les pensées des hommes sont timides, et nos prévoyances incertaines. Car le corps qui se corrompt appesantit l’âme ; et cette habitation terrestre abat l’esprit capable des plus hautes pensées. Nous jugeons difficilement ce qui se passe sur la terre ; et nous trouvons avec peine ce qui est sous nos yeux. Mais ce qui est dans le ciel, qui le découvrira ? qui aura donc votre pensée, Seigneur, si vous ne donnez la sagesse, et si vous n’envoyez votre Esprit d’en haut ( Sag., IX, 14-17 ) ? » Ainsi je ne m’élève point jusqu’au ciel, et je ne cherche à connaître ni quelle est la dignité privée et personnelle de la nature angélique, ni quelle action corporelle lui est propre et spéciale. Cependant avec le secours de l’Esprit-Saint, que Dieu nous a envoyé d’en-haut, et sous