Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/502

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ajoutant à quelque forme d’oiseau à moi connue, deux autres pieds semblables à ceux que je lui ai vus (Retract., Liv., II, ch. XV. ).

Voilà pourquoi, quand nous réunissons ainsi par la pensée des objets que nous n’avons vus que séparés, il ne semble pas que nous agissions d’après nos souvenirs ; et cependant nous n’agissons que sous l’influence de la mémoire, à qui nous empruntons les choses multiples et variées que nous arrangeons à notre gré. Il n’est pas jusqu’aux dimensions que nous n’avons jamais vues dans les corps, qui n’exigent aussi le secours de la mémoire ; si nous voulons les porter au plus haut degré, nous pouvons donner à quel corps il nous plaira autant d’étendue que notre regard peut en embrasser dans l’univers. La raison va même plus loin, encore ; mais l’imagination ne peut la suivre. Ainsi par exemple bien que la raison affirme que les nombres sont indéfinis, aucune vue de la pensée ne saurait matériellement se l’imaginer. La même raison nous dit encore que les corps les plus minimes sont divisibles à l’infini ; néanmoins quand nous avons atteint la limite des objets les plus tenus et les plus minces que nous nous souvenions d’avoir vus, notre imagination ne saurait aller plus loin et décomposer davantage, quoique la raison poursuive son travail et divise toujours. Par conséquent toute image matérielle est nécessairement un souvenir, ou formée d’après nos souvenirs.


CHAPITRE XI. NOMBRE, POIDS ET MESURE.


18. Mais comme on peut multiplier les objets qui se sont gravés individuellement dans la mémoire, la mesure pourrait appartenir à la mémoire et le nombre à la vision ; parce que, bien que les visions de ce genre puissent se multiplier en quantité innombrable, chacune d’elles a cependant dans la mémoire des limites qu’elle ne saurait dépasser. La mesure appartient donc à la mémoire et le nombre à la vision. C’est ainsi que, dans les corps visibles, il existe une mesure déterminée, à laquelle le sens des spectateurs s’applique en très-grand nombre, en sorte que, d’un seul corps visible, beaucoup de personnes informent leur vue, et que même un seul homme, parce qu’il a deux yeux, voit souvent le même objet en double, comme nous l’avons dit plus haut. Donc dans tous les objets qui forment la vision, il y a une mesure déterminée ; et c’est dans les visions mêmes qu’est le nombre. Or, la volonté qui assemble et ordonne ces deux choses, qui les joint par une certaine unité, et ne place librement le désir de sentir ou de penser que dans les objets d’où les visions se forment, la volonté, dis-je, joue ici le rôle de poids. Voilà comment, pour le dire d’avance, la mesure, le nombre, le poids doivent se retrouver partout ailleurs. Pour le moment, j’ai démontré autant que je l’ai pu et comme je l’ai pu, que la volonté qui unit l’objet visible et la vision

espèces de père et de fils — soit dans la sensation, soit dans la pensée, ne peut être appelée ni père ni fils. Mais le temps m’avertit de chercher cette même trinité dans l’homme intérieur, de laisser là l’homme animal et charnel, qu’on appelle extérieur et dont j’ai tant parlé, pour pénétrer au dedans. Là, je l’espère, nous pourrons trouver dans certaine trinité l’image de Dieu, avec l’aide de ce même Dieu qui bénira nos efforts : lui qui — la création le démontre et la sainte Ecriture l’atteste — a tout réglé avec mesure, avec nombre et avec poids (Sag., XI, 21 ).