Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/504

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tirant de lui pour en former le couple conjugal ; ainsi, dans la partie de notre âme qui se porte vers la vérité supérieure et inférieure il ne s’est point trouvé, dans ce qui nous est commun avec les animaux, d’aide qui lui fût semblable et apte à communiquer avec le monde matériel, dans la mesure des besoins de la nature humaine. Voilà pourquoi cette fonction a été déférée à un certain principe raisonnable, non pour briser l’unité par une sorte de divorce, mais en vue de créer un auxiliaire et un associé. Et comme mâle et femelle ne sont qu’une seule chair, ainsi l’intelligence et l’action, le conseil et l’exécution, la raison et l’appétit raisonnable — soit qu’on les désigne ainsi, soit qu’on trouve des expressions plus justes — appartiennent à une seule et même nature d’âme. Et comme on a dit de l’homme et de la femme : « Ils seront deux en une seule chair (Gen., II, 24 ) », ainsi doit-on dire de ces facultés : Elles sont deux en une seule âme.


CHAPITRE IV.

LA TRINITÉ ET L’IMAGE DE DIEU NE SE TROUVENT QUE DANS LA PARTIE DE L’AME QUI PEUT CONTEMPLER LES CHOSES ÉTERNELLES.

1. Quand donc nous dissertons sur la nature de l’âme humaine, nous entendons ne parler que d’une seule chose, et nous ne la dédoublons que par rapport aux fonctions dont nous avons parlé. Ainsi quand nous cherchons la trinité dans l’âme tout entière ; nous ne séparons point l’action raisonnable dans le monde matériel de la contemplation des choses éternelles, comme si nous avions à chercher un tiers pour compléter la trinité. Il faut que la trinité se trouve dans la nature de l’âme prise dans son intégrité, tellement qu’en dehors de l’action dans les choses corporelles qui exige un auxiliaire — fonction remplie par une certaine partie de l’âme déléguée pour l’administration des choses inférieures — la trinité se retrouve dans l’âme une, non disséminée ; puis, la distribution d’emplois étant faite il faut qu’on retrouve dans la partie seule qui appartient à la- contemplation des choses éternelles, non-seulement la trinité, mais encore l’image de Dieu ; et que si dans la partie déléguée pour l’action dans le monde temporel, il se trouve une trinité, du moins, on n’y rencontre pas l’image de Dieu.


CHAPITRE V.

PEUT-ON VOIR L’IMAGE DE LA TRINITÉ DANS L’UNION DE L’HOMME ET DE LA FEMME, ET LEUR PROGÉNITURE ?

5. Je ne regarde donc point comme probable l’opinion de ceux qui pensent que la nature hum-aine offre l’image de la Trinité d’un Dieu en trois personnes, dans l’union conjugale de l’homme et de la femme, complétée par leur progéniture : en sorte que l’homme représenterait la personne du Père, l’enfant né de lui, la personne du Fils, et la femme, celle du Saint-Esprit, vu qu’elle a procédé de l’homme sans être ni son fils ni sa fille (Gen., II, 22. ), bien que l’enfant soit conçu et né d’elle. En effet le Seigneur a dit du- Saint-Esprit qu’il procède du Père (Jean, XV, 26 ), et cependant il n’est pas son Fils. Dans cette opinion erronée, il n’y a qu’une chose admissible ; c’est que, d’après l’origine de la femme et le témoignage de la sainte Ecriture, on ne peut pas appliquer le nom de fils à foute personne procédant d’une autre personne, puisque la personne de la femme est sortie de celle de l’homme, sans qu’on l’ait pour cela nommée sa fille. Mais tout le reste est tellement absurde, tellement faux, qu’il est très-facile de le réfuter. Et d’ailleurs je aie parle pas de ce qu’il y a d’étrange à regarder le Saint-Esprit comme la Mère du Fils de Dieu et l’Epouse du Père ; car on me répondrait peut-être que ces termes ne sont blessants que quand ils s’appliquent à la conception et à l’enfantement charnels ; que du reste les hommes purs, pour qui tout est pur, pensent à cela avec une chasteté parfaite ; mais que pour les impurs et les infidèles, qui ont l’âme et la conscience souillées (Tit., I, 15 ), il est si vrai qu’il n’y arien de pur qu’il répugne même à quelques-uns d’entre eux que le Christ soit né d’une Vierge selon la chair. Mais dans ces hauteurs spirituelles et sublimes, où rien n’est sujet à l’impureté ni à la corruption, où rien n’est né du temps, ni formé d’un être imparfait, si l’on emploie le langage qui a servi de type pour exprimer ce qui se passe, quoique à une très-grande distance, dans l’ordre inférieur de la création, il ne faut pas qu’une timide sagesse s’en effarouche, de peur de tomber dans une pernicieuse erreur, en cédant à une crainte imaginaire. Qu’elle s’accoutume à trouver, dans les choses matérielles, un