Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/569

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais comme le Fils est né de Dieu le Père, et que le Saint-Esprit procède de Dieu le Père il s’agit de savoir lequel des deux devra être appelé Dieu-charité, car le Père est Dieu par lui-même et non Dieu de Dieu ; donc la charité qui est Dieu de Dieu, doit être le Fils ou le Saint-Esprit. Mais l’Apôtre, après avoir parlé de l’amour de Dieu, non pas de celui que nous avons pour lui, mais de celui dont « il nous a aimés, lui qui a envoyé son Fils, propitiation pour nos péchés », et après nous avoir exhortés à nous aimer les uns les autres afin que Dieu demeure en nous ; saint Jean, dis-je, continue, et comme il a appelé Dieu charité, il se hâte d’expliquer plus clairement sa pensée et dit : « Nous connaissons que nous demeurons en lui et lui en nous, en cela qu’il nous a donné de son Esprit ». Ainsi l’Esprit-Saint, dont Dieu nous a donné, fait que nous demeurons en Dieu et Dieu en nous. Or, c’est là l’effet de l’amour. L’Esprit-Saint est donc le Dieu-charité. Et un peu plus bas, après avoir répété cela et avoir dit : « Dieu est charité », il ajoute aussitôt : « Qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui », ce qui lui avait fait dire plus haut : « Nous connaissons que nous demeurons en lui et lui en nous, en cela qu’il nous a donné de son Esprit ». C’est donc l’Esprit-Saint qui est désigné pas ces mots : « Dieu est charité ». Donc, quand l’Esprit-Saint, qui procède de Dieu, est donné à l’homme, il allume en lui l’amour de Dieu et du prochain et il est lui-même cet amour. Car ce n’est que par Dieu que l’homme peut aimer Dieu. C’est pourquoi l’Apôtre dit peu après : « Nous donc, aimons Dieu, parce qu’il nous a aimés le premier (I Jean, IV, 7-19 ) ». Et l’apôtre Paul dit à son tour : « La charité de Dieu est répandue en nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné (Rom., V, 5 ).


CHAPITRE XVIII.

AUCUN DON DE DIEU NE L’EMPORTE SUR LA CHARITÉ.


32. Ce don est le plus grand des dons de Dieu. Lui seul sépare les fils du royaume éternel des enfants de l’éternelle perdition. D’autres dons sont distribués par l’Esprit-Saint niais ils sont inutiles sans la charité. Par conséquent personne ne peut passer de gauche à droite, si l’Esprit-Saint ne lui inspire l’amour de Dieu et du prochain. Ce n’est qu’à ce point de vue de la charité que l’Esprit est proprement appelé le Don. Celui qui ne l’a pas, parlât-il les langues des hommes et des anges, est comme un airain sonnant et une cymbale retentissante ; et quand il aurait le don de prophétie, qu’il connaîtrait tous les mystères et toute la science ; quand il aurait toute la foi, au point de transporter les montagnes, il n’est rien, et quand il distribuerait tout son bien et qu’il livrerait son corps pour être brûlé cela ne lui servirait de rien (I Cor., XIII, 1-3 ). Qu’il est donc grand ce bien, sans lequel de si grands biens ne sauraient conduire personne à la vie éternelle ! Or, cet amour ou cette charité — deux expressions pour la même chose — même quand celui qui le possède ne parle pas les langues, n’a pas le don de prophétie, ne connaît pas tous les mystères et toute la science, ne distribue pas tout son bien aux pauvres — soit parce qu’il n’en a point à distribuer, soit parce que ses propres besoins s’y opposent — ne livre pas son corps pour être brûlé, faute d’occasion de subir ce supplice ; cet amour, dis-je, le conduit au royaume éternel, et donne à la foi même tout son prix. Car, sans la charité, la foi peut exister, mais non être utile. Ce qui fait dire à l’apôtre Paul : « Dans le Christ Jésus ni la circoncision ni l’incirconcision ne servent de rien ; mais la foi qui agit par la charité (Gal., V, 6 ) » : distinguant ainsi cette foi de celle des démons qui croient et tremblent (Jac., II, 19 ). Donc l’amour qui est de Dieu et Dieu, est proprement l’Esprit-Saint par qui est répandue en nos cœurs la charité de Dieu, en vertu de laquelle la Trinité tout entière habite en nous. Voilà pourquoi le Saint-Esprit, quoique Dieu, est à très-juste titre appelé aussi Don de Dieu. Et ce don, quel peut-il être au fond, sinon la charité qui conduit à Dieu, et sans laquelle aucun autre don de Dieu ne conduit à Dieu ?


CHAPITRE XIX.

LES ÉCRITURES APPELLENT LE SAINT-ESPRIT DON DE DIEU. LE SAINT-ESPRIT EST PROPREMENT APPELÉ CHARITÉ, QUOIQU’ IL NE SOIT PAS SEUL CHARITÉ DANS LA TRINITÉ.


33. Faut-il aussi prouver que les saintes lettres appellent le Saint-Esprit Don de Dieu ? Si on y tient, nous trouvons dans l’Evangile selon saint Jean ces paroles du Seigneur