Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/144

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Les premiers, venant ensuite, pensaient qu’ils recevraient davantage ; mais ils reçurent aussi chacun un denier. Et, en le recevant, ils murmuraient contre le père de famille, en disant : Ces derniers ont travaillé une heure, et vous les faites égaux à nous, qui avons porté le poids du jour et de la chaleur. Mais, s’adressant à l’un d’eux, le maître répondit : Mon ami, je ne vous fais point d’injustice : n’êtes-vous pas convenu avec moi d’un denier ? Prenez ce qui est à vous, et vous en allez. Je veux donner à ce dernier autant qu’à vous. Est-ce qu’il ne m’est pas permis de faire ce que je veux[1] ? et votre œil est-il mauvais parce que je suis bon[2] ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers, les derniers ; car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus[3].

  1. Le grec ajoute : de mes biens.
  2. L’œil mauvais, dans la Bible, c’est l’image de l’avarice et de l’envie.

    Le père de famille, c’est Dieu ; la vigne, l’Église ; les ouvriers, les hommes ; la place publique, le monde, où, avant la vocation de Dieu, tous se tiennent comme oisifs : l’intendant, Jésus-Christ ; enfin, le denier, la vie éternelle. Dieu a appelé ses ouvriers à sa vigne à des époques différentes, d’Adam à Moïse, de Moïse à Jésus-Christ, de Jésus-Christ jusqu’à nos jours. Parmi les individus, — les uns ont servi Dieu dès leur jeunesse, d’autres ne sont venus à lui qu’à l’heure de la mort ; quelques-uns ont peu vécu, d’autres ont fourni une longue carrière : à tous Dieu donnera pour récompense la vie éternelle.

  3. Ne vous étonnez pas que, dans le royaume du ciel, les derniers soient les premiers, et les premiers, les derniers ; car, ce qui est bien plus terrible, il y en a même beaucoup d’appelés qui ne sont pas élus, et n’arrivent pas à la béatitude éternelle. Suarez.

    Un certain nombre d’interprètes et de théologiens expliquent autrement ce passage célèbre : « Il est manifeste, dit le P. Lacordaire, que la difficulté de la parabole ne consiste pas dans le petit nombre des ouvriers récompensés de leur travail ; elle consiste, au contraire, en ce que, tous étant récompensés, ceux qui paraissent avoir le moins de mérite, sont aussi bien traités que les autres. Et l’explication qui en est donnée est celle-ci : C’est que les premiers seront les derniers, etc. Mais cette explication étant obscure elle-même, le père de famille l’éclaircit par ce mot final : Car il y a