Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/557

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur la naissance de Jésus à Bethléem. Pour résoudre cette difficulté, on a suivi trois voies :

1o Quelques savants (Gersdof et Paulus) changent αὕτη en αὐτή, prennent πρώτη dans le sens de demum, c’est-à-dire enfin, alors seulement, et traduisent : En ces jours-là fut publié un édit de César Auguste, ordonnant qu’on fît le dénombrement des habitants de toute la terre ; ce dénombrement même eut lieu seulement Cyrinus étant, ou lorsque Cyrinus était gouverneur de Syrie. Tholuck, adoptant αὕτη, et se contentant de prendre πρώτη dans le sens de Paulus, traduit : ce recensement (ordonné alors) n’eut lieu que (plus tard) lorsque Cyrinus fut gouverneur de Syrie. Mais πρῶτος n’a pas par lui-même une semblable signification, et il ne saurait l’obtenir que d’une opposition certaine, marquée par la conjonction δέ, αὕτη δὲ ἡ ἀπογραφή, etc. Saint Luc semble donc vouloir dire qu’il y a eu un second dénombrement avec lequel il ne faut pas confondre celui qui eut lieu à la naissance de Jésus-Christ.

2o D’autres, et c’est la majorité des savants à partir du xviie siècle (Herwart, le P. Pétau, Usher, Ernesti, et, en dernier lieu, Haneberg), prennent πρώτη dans le sens de πρότερα, et ἡγεμονεύοντος comme un génitif régi par πρότερα, et traduisent : Ce dénombrement eut lieu avant que Cyrinius fût gouverneur de Syrie. Saint Luc, disent-ils, en ajoutant ce verset, veut prévenir un malentendu, et empêcher qu’on ne confonde ce recensement avec celui de Cyrinus, qui était bien connu, afin de n’être pas accusé d’infidélité historique. Mais, dans cette explication, il est étrange que saint Luc, ce narrateur si clair et si précis, ait justement été obscur là où l’on prétend qu’il s’est efforcé d’être intelligible. Le mot πρότερα ne devait-il pas inévitablement se présenter à son esprit ? Qu’on n’invoque pas Jean, i, 15, où il faut traduire πρῶτος par πρότερος, car les mots qui précèdent déterminent cette signification. Dans saint Luc, au contraire, le sens faux serait bien plus naturel que le vrai, inconnu aux anciennes versions et aux SS. Pères.

3o Par conséquent, nous nous en tiendrons avec Hug, Sepp, Weigl, Patrizzi, à la version traditionnelle, simple, seule naturelle, telle que la Vulgate l’a donnée dans sa magistrale et incomparable fidélité. Tertullien, dans son traité contre Marcion (iv, 19), en appelle expressément à ce premier recensement conservé dans les archives de l’Empire : Census constat actos sub Augusto per Sentium Saturninum, apud quos genus Christi inquirere potuissent. On sait que Sentius Saturninus fut propréteur de Syrie de l’an 744 à l’an 748 de Rome. Mais comment Tertullien nomme-t-il Saturninus, tandis que saint Luc nomme Cyrinus ? La réponse est facile. L’empereur Auguste, qui avait fait exécuter la description cadastrale des terres de tout l’empire, voulut y joindre un dénombrement des personnes. C’est ce que supposent les détails que Tacite (Annal., i, 11), Suétone (Aug. 101) et Dion Cassius (lvi, 33) nous donnent sur le Breviarium imperii, Sommaire de l’état de l’Empire ; c’est ce qu’attestait positivement Cassiodore (Var. iii, 52) et Suidas ; c’est enfin ce qu’admettent de Savigny, Manso, Winer, et, parmi nous, MM. Egger, Léon Rénier, etc. Voici le passage de Suidas : « Auguste, devenu seul maître, choisit vingt hommes des