Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/560

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gnait suffisamment comme le Messie aux esprits attentifs. Nous disons comme le Messie, et par conséquent comme Homme-Dieu ; s’il n’avait été qu’un homme, l’emploi si fréquent de cette locution eût été ridicule. Une remarque du P. Patrizzi fait ressortir cette conclusion avec plus d’évidence encore : Jésus, dit le savant exégète, ne s’appelle Fils de l’homme que dans l’une ou l’autre de ces deux circonstances : ou bien, et c’est le cas le plus ordinaire, lorsqu’il s’attribue ce qui dopasse la nature de l’homme, ce qui n’appartient qu’à Dieu ; ou bien lorsqu’il parle des choses indignes de lui, mais utiles à notre salut, qu’il souffre ou doit souffrir. Saint Augustin ajoute que chaque fois que nous lisons ce nom dans l’Évangile, nous devons nous souvenir de la miséricordieuse bonté du Fils de Dieu, qui a daigné se faire homme pour nous.

Frères du Jésus. Il est fait souvent mention dans le Nouveau Testament des Frères de Jésus. Nous les voyons nommés dans les Évangiles comme un groupe de personnages très-rapprochés de Jésus-Christ par des liens de famille (Matth. xiii, 55 ; Marc, vi, 3). Ils accompagnent sa sainte Mère (Matth. xii, 46 ; Marc iii, 31 ; Luc, viii, 19 ; Jean, vii, 12) ; cependant, à un certain moment (Jean, vii, 3), ils cessent de comprendre la mission du Sauveur et le mode de son apparition, et ne croient plus aussi fermement en lui. Au temps apostolique, nous les retrouvons parmi les fidèles, formant un groupe spécial dont on parle avec un respect particulier. Les noms de ces frères de Notre-Seigneur sont, d’après saint Matthieu et saint Marc : Jacques, José ou Joseph, Judas ou Jade, et Simon ou Siméon.

Il ne faut pas songer, dans tous ces passages, à des frères proprement dits. 1° Il n’est presque pas de fait aussi souvent et aussi énergiquement affirmé par la tradition que celui de la virginité permanente de Marie, laquelle, après avoir miraculeusement conçu et mis au monde Jésus, n’eut pas d’autres enfants. 2° Le nom même de frères ne démontre rien ici ; car ach en hébreu, et ἀδελφός dans les Septante ne désignent souvent qu’un parent en général : c’est ainsi que Lot est nommé frére d’Abraham, dont il n’est que le neveu (voy. Gen. xiii, 8 ; xiv, 16 ; xxix, 12, al.). 3° Si les frères de Jésus l’avaient été dans le sens naturel de ce mot en français, il serait très-singulier que jamais Marie n’eût été appelée leur mère ; or, on ne voit dans le Nouveau-Testament comme fils de Marie que Jésus, et c’est précisément par opposition avec ceux qui sont appelés ses frères qu’il est désigné comme le fils de Marie (Marc, vi, 3). Il serait tout à fait inconcevable, en outre, que Jésus, du haut de la croix, eût recommandé sa mère à saint Jean ; si elle avait eu d’autres fils, c’eût été leur devoir naturel de la recueillir, et ils n’y auraient certes pas manqué. La manière même dont Jésus recommanda alors sa mère à saint Jean indique qu’il était le fils unique de Marie, car il dit : Ἴδε ὁ υἱός σου : l’article aurait évidemment manqué s’il y avait eu encore d’autres fils de Marie. 4° Mais ce qui prouve d’une manière péremptoire que les frères de Jésus n’étaient pas les fils de la mère de Jésus, c’est qu’ils avaient une autre mère, dont l’Évangile fait une mention expresse. Parmi les femmes présentes au crucifiement, saint Matthieu (xxvii, 56) cite une Marie, mère de Jacques et de Joseph ; saint Marc (xv, 40) ajoute que ce Jacques,