Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/562

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abomination le lieu qui avait été le théâtre de ce culte impie et barbare, qu’ils en firent une voirie, et y jetèrent les cadavres et les immondices. Comme il fallait, pour consumer tout cela, y entretenir un feu perpétuel, la vallée fut nommée Géhenne du feu, ou ardente ; de là naquit une autre acception de ce mot en usage au temps de Notre-Seigneur : véritable image de l’enfer, la Géhenne servit à désigner le lieu de l’éternelle damnation.

Généalogie de Jésus-Christ. En comparant la généalogie de Notre-Seigneur donnée par saint Luc (iii, 23-38) avec celle que donne saint Matthieu i, 1-17), on voit qu’elles n’ont presque rien de commun de Jésus à David. D’où vient cette différence ? Il y a deux manières de résoudre la difficulté.

1°. Reithmayr, Allioli, Drach, etc., pensent que nous avons dans saint Matthieu la généalogie officielle de Notre-Seigneur, c’est-à-dire celle de Joseph, père putatif de Jésus, et, dans saint Luc, la généalogie réelle, c’est-à-dire celle de Marie. Mais alors comment expliquer Luc, iii, 23, où il n’est pas fait mention de Marie ? Allioli répond : S’il n’est pas fait mention de Marie elle-même, et si son époux Joseph est cité comme le fils du père de cette divine Vierge, c’est une suite de l’usage reçu parmi les Juifs et chez les autres peuples de l’Orient. D’après cet usage, les hommes qui épousaient des filles héritières, comme était Marie, étaient portés sur les tables généalogiques comme les vrais fils des pères des filles qui se trouvaient dans ce cas. Reithmayr et Drach, rejetant ici la version de la Vulgate, traduisent le grec : Or Jésus avait environ trente ans lorsqu’il commença son ministère, étant (tandis qu’on le croyait fils de Joseph) fils d’Héli, fils de Mathat, etc., le mot fils, qui est sous-entendu en grec (comp ὁ τοῦ Ἀλφαίου), se rapportant toujours à Jésus, parce qu’en hébreu on est fils de son ascendant à quelque degré que ce soit. D’ailleurs, disent-ils, on ne saurait admettre qu’à la fin Adam soit appelé fils de Dieu comme Sem est appelé fils d’Adam. Le Talmud achève de confirmer que la généalogie de saint Luc est celle de Jésus-Christ par sa mère ; car dans les blasphèmes qu’il ose proférer contre la reine du ciel, il l’appelle Marie, fille d’Héli (Talmud de Jésus, traité Sanhédrin, fol. 23, col. 3). Si la tradition chrétienne donne au père de Marie le nom de Joachim, il n’y a point en cela de contradiction ; car chez les Juifs les noms d’Héli, d’Héliakim ou Eliakim et de Joachim sont synonymes, et se mettent facilement l’un pour l’autre. C’est ainsi que le grand-prêtre du temps du roi Manassas est nommé tantôt Eliakim, tantôt Joakim (Judith iv, 5, 7, 11 ; xv, 9).

2°. Toutefois Marie pourrait descendre de David, sans qu’il fût pour cela nécessaire d’établir, contre l’usage, sa généalogie particulière. Il suffisait qu’il soit constant qu’elle était parente de Joseph, pour que la généalogie de ce dernier s’appliquât à elle comme à lui. Or cette parenté, que l’Évangile suppose sans l’exprimer, est établie par les témoignages ! es plus certains de l’antiquité (voy. Patrizzi, Diss. IX, cap. xx, p. 1). Les deux généalogies sont donc, selon toute apparence, de Joseph, et on leur trouve, même dans la période que nous avons marquée, une fraction commune : Zorobabel, fils de Salathiel. Mais, dit M. Wallon, pour deux noms pareils, que de noms différents ! Ce Salathiel des deux listes, qui n’a dans chacune