Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/579

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Machabées, au milieu du iie siècle avant Jésus-Christ. Grâce à la considération dont ils jouissaient auprès du peuple, ils eurent dès le commencement une influence politique très-grande, et formèrent dans l’État une puissance redoutable aux rois et aux pontifes eux-mêmes (Josèphe, Antiq. XIII, x, 3 ; xvi, 2 al.). Sous Hérode le Grand, la secte comptait plus de six mille membres, et ils osèrent refuser le serment de fidélité que le roi exigeait d’eux au nom de l’empereur romain. Ils peuplaient, au temps de Notre Seigneur, les cours de justice du pays ; la plupart des membres du Sanhédrin, notamment les scribes ou docteurs de la Loi, étaient Pharisiens, et c’est le plus souvent comme membres, ou plutôt comme représentants de la secte, qu’ils sont nommés dans l’Évangile.

Les Pharisiens admettaient, contrairement aux Sadducéens, à côté des documents écrits, la tradition comme source de la religion et de la loi ; ils préféraient même la tradition à la parole écrite, ou du moins la première servait de mesure pour l’interprétation de la dernière, qui se trouvait, en beaucoup de cas, non pas expliquée, mais étouffée par elle. La tradition pharisaïque consistait soit en traditions qu’on faisait remonter jusqu’à Moïse, soit en décisions doctrinales ou canoniques (traditiones seniorum) rendues par d’anciens docteurs considérés. C’est de ces traditions qu’est né plus tard le Thalmud.

Voici les principaux points de la doctrine des Pharisiens : 1° Ils admettaient, pour les actions morales, une coopération divine, mais en sauvegardant la liberté humaine ; par conséquent, ils faisaient dépendre la destinée des hommes de leur libre activité et en même temps de l’influence divine, tandis que les Sadducéens rejetaient celle-ci. Josèphe ne s’explique pas clairement sur cette matière, et confond l’opinion des Pharisiens avec la doctrine des Stoïciens sur le fatum. Mais il résulte de l’ensemble des renseignements fournis par lui, qu’il faut entendre par cette coopération divine l’excitation au bien et l’assistance pour le faire. Quand Josèphe donne à Dieu une part dans le choix même du mal, il n’entend point par là que Dieu agisse positivement, mais qu’il restreint ou retire tout à fait sa grâce (Antiq. XIII, v, 9 ; XVIII, i, 3). — 2° Les Pharisiens regardaient l’âme (pneuma) comme une substance différente, par ses qualités, de la matière, ayant une existence propre et l’immortalité ; ils enseignaient l’existence de peines et de récompenses après la mort, tandis que les Sadducéens, suivant leur théorie matérialiste, niaient la durée de l’âme au delà de ce monde avec ses conséquences. Le sheol, enfer, est le séjour souterrain des âmes des défunts ; là, les méchants sont enfermés pour leur éternel tourment, tandis que les bons sont libres de rentrer dans d’autres corps humains et de recommencer une nouvelle vie terrestre. (Antiq. XVIII, i, 3, Bell. Jud. II, viii, 13 : comp. Matth. xiv, 2 ; xvi, 14.) — 3° Il faut distinguer de cette metempsycose la résurrection des corps, admise par les Pharisiens, rejetée par les Sadducéens (Bell. Jud. III, viii, 5 : comp. Matth. xxii, 23). Plusieurs rabbins, il est vrai, pensaient que la résurrection des corps n’était que pour les bons, les âmes des méchants devant perpétuellement demeurer dans l’enfer. Mais il y avait, à côté de cette opinion, une opinion