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BOURGEOISIE ET DÉMOCRATIE

Quelques municipalités prennent sur elles de modifier la loi électorale. Ainsi celle de Saint-Félix, diocèse de Lodève, est dénoncée (6 février 1790) pour avoir admis comme citoyen actif un certain Vidai fils, qui, étant sous la puissance paternelle, ne paie aucune contribution[1]. M. de Rozimbois, docteur en droit, capitaine commandant de la garde nationale, écrit de Beaumont en Lorraine, le 19 février 1790, que, dans les assemblées auxquelles il a assisté comme citoyen actif, il a été surpris de voir le peuple s’ériger « en souverain législateur », et décider « qu’on pouvait être électeur à moins de vingt-cinq ans et avec cinq ou six mois de domicile[2] ».

Que fallait-il entendre au juste par contribution directe ? Voila ce qu’on ignorait généralement. Deux citoyens de Nîmes se plaignent (27 janvier 1790) qu’on n’ait pas voulu les inscrire comme actifs et éligibles, quoiqu’ils paient 19 livres 5 sols chacun pour décimes, sous prétexte que ce n’est pas là une contribution directe[3]. Le 3 décembre 1789, les citoyens de Marseille avaient fait remettre une adresse au Comité de constitution pour avoir des éclaircissements à ce sujet, et ils en reçurent la note suivante :

« Le Comité de constitution de l’Assemblée nationale, consulté par les députés de la ville de Marseille, sur l’adresse du conseil municipal de cette ville, en date du 31 décembre 1789, déclare que les décrets de l’Assemblée doivent être exécutés selon les principes suivants « Les contributions directes de trois et de dix journées de travail, qui servent de règle pour pouvoir exercer les fonctions de citoyen actif, d’électeur et d’éligible, sont toutes celles que chaque citoyen paie directement, soit à raison des impositions établies sur les biens dont il est propriétaire, soit à raison de son imposition personnelle. Ainsi le vingtième, la taille, leurs abonnements, les impositions territoriales, les impositions par retenue sur les rentes, la capitation, toutes impositions personnelles, réelles ou abonnées, et généralement toutes impositions autres que celles qui se paient sur les consommations, sont des contributions directes, dont la quotité sert de règle pour le titre de citoyen actif, d’électeur, ou d’éligible.

« La journée de travail est celle du simple journalier, et doit être évaluée sur le pied de ce qu’elle est payée habituellement dans chaque lieu, soit à la ville, soit à la campagne ; et par conséquent cette évaluation doit être différente entre la ville et la campagne, lorsque le prix de la journée y est différent.

« Arrêté au Comité de constitution, le 4 janvier 1790[4]. »

Cette réponse parvint sans doute trop tard aux Marseillais, et, quand ils la reçurent, il est probable qu’ils avaient déjà dressé, à leur fantaisie,

  1. Arch. nat., D iv, 11, dossier 157, pièce 1.
  2. Ibid., dossier 156.
  3. Ibid., dossier 157.
  4. Ibid., dossier 156, pièce 7.