Page:Aulnoy - Les contes choisis, 1847.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
FINETTE CENDRON.

nez plat, le teint noir et la bouche si horrible, qu’elle faisait peur ; elle avait quinze pieds de haut et trente de tour. Ô malheureuses ! qui vous amène ici ? leur dit-elle. Ignorez-vous que c’est le château de l’ogre, et qu’à peine pouvez-vous suffire pour son déjeuner ? mais je suis meilleure que mon mari ; entrez, je ne vous mangerai pas tout d’un coup, vous aurez la consolation de vivre deux ou trois jours davantage. Quand elles entendirent l’ogresse parler ainsi, elles s’enfuirent, croyant se pouvoir sauver, mais une seule de ses enjambées en valait cinquante des leurs ; elle courut après et les reprit, les unes par les cheveux, les autres par la peau du cou ; et les mettant sous son bras, elle les jeta toutes trois dans la cave qui était pleine de crapauds et de couleuvres et l’on ne marchait que sur les os de ceux qu’ils avaient mangés.

Comme elle voulait croquer sur-le-champ Finette, elle fut quérir du vinaigre, de l’huile et du sel pour la manger en salade ; mais elle entendit venir l’ogre, et trouvant que les princesses avaient la peau blanche et délicate, elle résolut de les manger toute seule, et les mit promptement sous une grande cuve où elles ne voyaient que par un trou.

L’ogre était six fois plus haut que sa femme ; quand il parlait, la maison tremblait, et quand il toussait, il semblait des éclats de tonnerre ; il n’avait qu’un grand vilain œil, ses cheveux étaient tout hérissés, il s’appuyait sur une bûche dont il avait fait une canne ; il avait un panier couvert dans sa main ; il en tira quionze petits enfants qu’il avait volés par les chemins, et qu’il avala comme quinze