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FINETTE CENDRON.

d’être mariées, il ne viendra personne ici, cette maison passe assurément pour un coupe-gorge, et on ne sait point la mort de l’ogre et de l’ogresse. Il faut que nous allions à la plus prochaine ville nous faire voir avec nos beaux habits ; et nous n’y serons pas longtemps sans trouver de bons financiers qui seront bien aises d’épouser des princesses.

Dès qu’elles furent habillées, elles dirent à Finette qu’elles allaient se promener, qu’elle demeurât à la maison à faire le ménage et la lessive, et qu’à leur retour tout fût net et propre ; que si elle y manquait, elles l’assommeraient de coups. La pauvre Finette, qui avait le cœur serré de douleur, resta seule au logis, balayant, nettoyant, lavant sans se reposer, et toujours pleurant. Que je suis malheureuse, disait-elle, d’avoir désobéi à ma marraine, il m’en arrive toutes sortes de disgrâces : mes sœurs m’ont volé mes riches habits, ils servent à les parer ; sans moi, l’ogre et sa femme se porteraient encore bien : de quoi me profite de les avoir fait mourir ? n’aimerais-je pas autant qu’ils m’eussent mangée que de vivre comme je vis ? Quand elle avait dit cela, elle pleurait à étouffer, puis ses sœurs arrivaient chargées d’oranges de Portugal, de confitures, de sucre, et elles lui disaient : Ah ! que nous venons d’un beau bal ! Qu’il y avait de monde ! le fils du roi y dansait ; l’on nous a fait mille honneurs : allons, viens nous déchausser et nous décrotter, car c’est là ton métier. Finette obéissait ; et si par hasard elle voulait dire un mot pour se plaindre, elles se jetaient sur elle, et la battaient à la laisser pour morte.