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L’OISEAU BLEU.

parler. Le prince, ravi d’avoir amené l’affaire jusque-là, courut faire sa cour au roi, en lui annonçant l’heure du rendez-vous. Mais la mauvaise confidente ne manqua pas d’aller avertir la reine de ce qui se passait, et de prendre ses ordres. Aussitôt elle pensa qu’il fallait envoyer sa fille à la petite fenêtre : elle l’instruisit bien ; et Truitonne ne manqua rien, quoiqu’elle fût naturellement bête.

La nuit était si noire, qu’il aurait été impossible au roi de s’apercevoir de la tromperie qu’on lui faisait, de sorte qu’il s’approcha de la fenêtre avec des transports de joie inexprimables : il dit à Truitonne tout ce qu’il aurait dit à Florine, pour la persuader de sa passion. Truitonne, profitant de la conjoncture, lui dit qu’elle se trouvait la plus malheureuse personne du monde d’avoir une belle-mère si cruelle, et qu’elle aurait toujours à souffrir jusqu’à ce que sa fille fût mariée. Le roi l’assura que si elle le voulait pour son époux, il serait ravi de partager avec elle sa couronne et son cœur. Là-dessus il tira sa bague de son doigt, et la mettant à celui de Truitonne, il ajouta que c’était un gage éternel de sa foi, et qu’elle n’avait qu’à prendre l’heure pour partir en diligence.

La reine ayant su l’heureux succès de cette entrevue, elle s’en promit tout. En effet, le jour étant concerté, le roi vint la prendre dans une chaise volante, traînée par des grenouilles ailées. Un enchanteur de ses amis lui avait fait ce présent. La nuit était fort noire ; Truitonne sortit mystérieusement par une petite porte, et le roi qui l’attendait la reçut entre ses bras, et lui jura cent fois une fidélité éternelle. Mais comme il n’était pas d’humeur à voler long-