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LA CHATTE BLANCHE.

telas de satin blanc très propre. Elle avait des cornettes négligées, et paraissait abattue ; mais quand elle aperçut le prince, elle fit mille sauts et autant de gambades, pour lui témoigner la joie qu’elle avait. Quelque sujet que j’eusse, lui dit-elle, d’espérer ton retour, je t’avoue, fils de roi, que je n’osais m’en flatter, et je suis ordinairement si malheureuse dans les choses que je souhaite, que celle-ci me surprend. Le prince reconnaissant lui fit mille caresses ; il lui conta le succès de son voyage, qu’elle savait peut-être mieux que lui, et que le roi voulait une pièce de toile qui pût passer par le trou d’une aiguille ; qu’à la vérité il croyait la chose impossible, mais qu’il n’avait pas laissé de la tenter, se promettant tout de son amitié et de son secours. Chatte blanche, prenant un air plus sérieux, lui dit que par bonheur elle avait dans son château des chattes qui filaient fort bien ; qu’elle-même y mettrait la griffe ; qu’ainsi il pouvait demeurer tranquille.

Cette seconde année s’écoula comme la première, le prince ne souhaitait guère de choses que les mains diligentes ne lui apportassent sur-le-champ.

Chatte blanche, qui veillait toujours aux intérêts du prince, l’avertit que le temps de son départ approchait, qu’il pouvait se tranquilliser sur la pièce de toile qu’il désirait, et qu’elle lui en avait fait une merveilleuse. Elle lui remit une noix, en disant : Garde-toi de la casser qu’en la présence du roi, tu y trouveras la pièce de toile que tu m’as demandée. Aimable Blanchette, répliqua-t-il, je vous avoue que je suis si pénétré de vos bontés, que si vous y vouliez consentir, je préférerais de passer ma vie