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VOYAGE D’UNE FEMME

sible d’employer cette expression, je dirai que je crus voir des tentes de terre. L’intérieur n’a aucune division ; le feu se fait au milieu de la hutte, sur des pierres plates, et la fumée s’échappe par un trou laissé au haut du toit ; quelques coffres, servant de lits et remplis à cet effet d’herbes marines séchées, des seaux de bois, un chaudron, composent d’ordinaire tout le mobilier de ces pauvres demeures.

Il ne faudrait pas juger définitivement les Lapons sur ce qu’on observe de leurs meurs à Hammerfest ; ils viennent à la ville seulement à de rares intervalles, afin de conclure des marchés ou de faire des achats, et, ces jours-là, on ne voit dominer en eux que la passion de tout peuple sauvage : l’ivrognerie ! On les rencontre partout en groupes de cinq ou six, assis sous quelques maisons parmi les vieux traîneaux, les ustensiles et les fagots, et là, se tenant étroitement embrassés, ils se murmurent à l’oreille des confidences entrecoupées de hoquets, et échangent à chaque minute un coulak attendri (coulak, leur mot favori, celui qu’ils placent sans cesse dans leurs discours, veut dire écoute) ; ils puisent ainsi ensemble à la même bouteille d’eau-de-vie, jusqu’à ce qu’ils s’endorment dans une commune ivresse.

Sous la tente, dans ses longues courses, dans sa hutte, les jours ordinaires, le Lapon n’est pas cette espèce d’animal immonde qui se roule sur un sol fangeux dans l’abrutissement de l’ivresse ; il vit paisible, laborieux, s’occupe des soins du ménage, prépare la nourriture, tandis que sa femme se préoccupe de ses enfants ou travaille à la confection de quelques vêtements. Mais, par quelque côté qu’on la considère,