Page:Ausone - Œuvres complètes, trad Corpet, Tome II, 1843.djvu/53

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les riches délices des mortels, et tous ces bijoux que façonnent les mers à l’imitation de nos parures. Ainsi, sous le paisible courant de la riante Moselle, l’herbe bigarrée découvre les cailloux dont elle est mêlée. Cependant l’oeil tendu se fatigue à voir aller et venir ces essaims de poissons, qui glissent en se jouant. Mais il ne m’est pas permis de décrire tant d’espèces, et leurs obliques circuits, et ces bandes qui se suivent en remontant le fleuve, et les noms et toutes les familles de ces peuplades nombreuses : un dieu me le défend, le dieu qui reçut en partage le second lot de l’empire du monde et la garde du trident des mers.

Ô Naïade qui habites les bords de la Moselle, montre-moi les groupes du troupeau qui porte écaille, et décris-moi ces légions qui nagent dans le sein transparent du fleuve azuré.

Le Meunier écaillé brille parmi les herbes sablonneuses : sa chair très molle est criblée d’arêtes serrées, et il ne peut se conserver plus de six heures pour la table. La Truite a le dos étoilé de gouttes de pourpre ; la Loche n’a pas pour nuire la pointe d’une épine, et l’Ombre légère échappe aux regards par la célérité de sa marche. Et toi, longtemps ballotté dans les gorges de l’oblique Saravus, où bouillonnent les bouches frémissantes de six piles de pierre, quand tu glisses, ô Barbeau, dans de plus nobles ondes, plus libre en ton essor, tu nages au large. Tu as meilleur goût dans le plus mauvais âge, et de tous les êtres qui respirent, tu es le seul dont la vieillesse ne soit pas sans prix. Je ne te passerai pas sous silence, ô Saumon, toi dont la chair a l’éclat de la pourpre : du milieu de l’abîme, les coups vagabonds de ta large queue se répètent à la surface, et ton élan caché se trahit sur