Page:Ausone - Œuvres complètes, trad Corpet, Tome II, 1843.djvu/59

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la blonde Garonne. Suivant, du pied de la montagne, le penchant qui monte jusqu’à la dernière cime, le vert Lyéus se montre partout sur les bords du fleuve. Le peuple joyeux à l’ouvrage, et l’alerte vigneron parcourent avec empressement, les uns le sommet de la montagne, les autres la croupe inclinée de la colline, et se renvoient à l’envi de grossières clameurs : ici le voyageur qui chemine en bas sur la rive, plus loin le batelier qui glisse sur l’onde, lancent aux campagnards attardés des chants moqueurs que répètent les rochers, la forêt qui frissonne, et la vallée du fleuve.

Et la scène de ces paysages ne divertit pas seulement les mortels. Là aussi je croirais voir les rustiques Satyres et les Naïades à l’oeil bleu accourir ensemble sur ces bords, quand une folle pétulance agite les Pans aux pieds de chèvres, et qu’ils bondissent sous les eaux, épouvantant leurs sœurs tremblantes au fond du fleuve, dont ils battent les vagues de coups forcenés. Souvent aussi, après avoir dérobé des raisins sur les collines, Panopé, fille de l’onde, se mêle aux Oréades qu’elle aime, pour éviter les Faunes, lascives divinités des campagnes. On dit même qu’à l’heure où le soleil en feu s’arrête au milieu de son cours, les Satyres et leurs humides sœurs se réunissent au bord de leur fleuve commun, pour y former des chœurs, pendant que la chaleur dans toute sa force éloigne de leurs secrets ébats l’approche des mortels. Alors les Nymphes de bondir en folâtrant sur leurs ondes, de plonger au fond des eaux les Satyres, sûres d’échapper toujours aux mains de ces inhabiles nageurs, qui, croyant en vain saisir leurs membres glissants, n’embrassent, au lieu d’un corps, que les vagues ruisselantes. Mais ces jeux n’ont jamais eu de témoins, et nul regard n’a osé les surprendre ; si j’ai pu sans crime les révéler en partie, que le reste demeure ignoré, et que le respect couvre à jamais ces mystères confiés au rivage. Voici un