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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

du 14 juin 1910 [3]




EMMA


par Jane Austen


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Traduction de M. PIERRE DE PULIGA


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III


M. Woodhouse aimait le monde à sa manière : il se plaisait à recevoir des visites. Installé à Hartfield depuis de longues années, disposant d’une fortune considérable, il était parvenu, avec l’aide de sa fille, à se former un petit noyau d’amis toujours prêts à accourir à son appel. Son horreur des grands dîners et des heures tardives ne lui permettait d’entretenir des relations qu’avec ceux qui consentaient à se plier à ses habitudes : il était rare qu’Emma ne réussît pas à lui trouver des partenaires pour sa partie quotidienne.

Une réelle et ancienne affection amenait les Weston et M. Knightley ; quant à M. Elton, célibataire malgré lui, il saisissait avec plaisir l’occasion de quitter sa solitude pour aller passer sa soirée dans l’élégant milieu du salon de M. Woodhouse où l’accueillait le sourire de la ravissante maîtresse de maison.

En seconde ligne, parmi les plus fréquemment invitées, venaient Mme Bates, Mlle Bates et Mme Goddard ; ces trois dames étaient toujours à la disposition de M. Woodhouse qui les faisait généralement prendre et reconduire en voiture ; ce dernier était si bien fait à l’idée de ces courses périodiques qu’il n’en redoutait plus les effets pour son cocher et ses chevaux.

Mme Bates était la veuve de l’ancien vicaire de Highbury ; fort âgée, elle vivait avec sa fille


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