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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

du 13 août 1910 [55]




EMMA


Par Jane Austen


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Traduction de M. PIERRE DE PULIGA


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XLVI


Quand elle fut seule, Emma se prit à réfléchir aux diverses conséquences du nouvel état de choses : elle n’aurait plus désormais à plaindre Jane dont les maladies et les tourments, ayant la même origine, disparaîtraient sans doute en même temps. Les jours tristes pour Mlle Fairfax étaient passés ; celle-ci serait maintenant heureuse, bien portante et riche. Emma se rendait compte pourquoi ses avances avaient été systématiquement repoussées : évidemment c’était par jalousie ; aux yeux de Jane, elle avait été une rivale ; tout s’expliquait ; une promenade dans la voiture d’Hartfield eût été une torture, et l’arrow-root provenant des réserves d’Hartfield ne pouvait être qu’un poison ! Elle ne conservait donc pas rancune à la jeune fille qui méritait à tous égards, elle se plaisait à le reconnaître, le bonheur et l’élévation qui allaient lui échoir.

À ce moment, Emma entendit le pas et la voix d’Henriette : elle se composa une contenance, ne voulant rien laisser paraître des sentiments qui l’agitaient. M. Weston, en effet, lui avait recommandé la discrétion.

— Eh bien ? Mademoiselle Woodhouse, dit Henriette en pénétrant vivement dans la pièce, n’est-ce-pas la plus extraordinaire nouvelle qu’on puisse imaginer ?

— De quelle nouvelle voulez-vous parler ? reprit Emma.

— Je fais allusion au mariage de Jane Fairfax. Ne craignez rien, vous pouvez parler librement,


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