Page:Austen - Emma.djvu/387

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Mme Weston n’eût pas suivi sa première inspiration.

— Ne manquez pas, dit-il, de faire chercher Perry à la moindre indisposition. Vous ne pouvez l’appeler trop souvent. Il est peut-être fâcheux qu’il ne soit pas venu hier ; sans doute l’enfant semble en bon état, mais il ne s’en porterait que mieux si Perry l’avait examiné.

En entendant prononcer le nom de Perry, Frank Churchill leva la tête et dès que M. Woodhouse eut fini de parler, il dit, en s’adressant à Emma :

— Mon ami Perry ! Est-il venu ce matin ? Comment voyage-t-il maintenant ? A-t-il une voiture ?

Emma se rappela aussitôt et saisit l’allusion. Elle se mit à rire à son tour ; pendant ce temps, Jane Fairfax faisait tous ses efforts pour paraître ne pas entendre.

— Quel rêve extraordinaire, reprit-il, je ne puis jamais y penser sans rire. Elle nous entend, Mademoiselle Woodhouse, elle nous entend : je le devine au frémissement de sa joue, elle a beau froncer le sourcil. Regardez-la. Ne voyez-vous pas qu’en ce moment le paragraphe même de sa lettre qui me donnait la nouvelle passe devant ses yeux ; elle se rappelle ma bévue et ne peut prêter attention à rien d’autre.

Jane fut contrainte de sourire et se tournant vers lui, elle dit d’une voix basse et calme :

— Comment pouvez-vous évoquer ces souvenirs ? Ils s’imposeront parfois, mais je ne m’explique pas que vous les recherchiez ?

Il répondit avec beaucoup d’entrain et d’esprit ; Emma n’en partageait pas moins l’avis de Jane. En quittant Randalls, elle ne put s’empêcher d’établir une comparaison entre les deux hommes, tout à l’avantage de M. Knightley ; elle avait eu grand plaisir à revoir Frank Churchill, mais jamais la supériorité morale de M. Knightley ne l’avait autant frappée.