Page:Austen - Emma.djvu/390

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de leurs prévisions elle hésitait à causer une nouvelle émotion à son père.

La situation se dénoua de la façon la plus inattendue, à la suite d’un incident vulgaire : la basse-cour de Mme Weston fut une nuit dépouillée de tous ses dindons. D’autres poulaillers eurent le même sort. Pour M. Woodhouse, cette rapine constituait un vol avec effraction, et s’il ne s’était senti sous la protection de son gendre, il eut été en proie aux terreurs dès le coucher du soleil. La force, la résolution, la présence d’esprit des messieurs Knightley lui inspiraient une confiance illimitée. Il appréhendait le moment où M. John Knightley serait forcé de rentrer à Londres. Cette crainte salutaire fut pour M. Woodhouse le commencement de la sagesse, et quand Emma proposa de fixer le mariage au mois d’octobre, et de revenir s’installer à Hartfield avec son mari avant le départ de M. John Knightley, elle rencontra la pleine approbation de son père.

Vers le milieu d’octobre, M. Elton fut appelé à célébrer dans l’intimité le mariage de M. Knightley et de Mlle Woodhouse. La cérémonie fut des plus simples, comme il convient à des gens qui n’ont de goût ni pour le faste ni pour la parade.

Mme Elton écouta avec surprise la description que lui fit son mari du cortège et des toilettes.

— Rien de plus mesquin, d’après ce que je comprends. Célina ne voudra pas croire à une pareille pénurie de dentelles… Je ne pensais pas que ce mariage dût égaler le nôtre, mais je m’attendais à mieux !

Cependant la malveillance s’arrêta au seuil du temple. Les souhaits affectueux du petit noyau de vrais amis qui assistaient à la bénédiction nuptiale se réalisèrent en tous points : les époux furent parfaitement heureux.



FIN