Page:Austen - La Famille Elliot T1.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tant de gré que s’il lui eût adressé le discours le plus obligeant ; il parla ensuite aux deux miss Musgrove avec cette gaîté qui annonce une entière liberté d’esprit. Pour l’univers entier, Alice n’aurait pu prononcer une parole ; elle n’entendait pas même distinctement ce qui se disait autour d’elle ; la chambre lui semblait être remplie d’une foule de personnes ; mille voix confuses se faisaient entendre pour elle ; mais quelques minutes plus tard, ce ne fut plus qu’un désert pour la pauvre Alice. Son beau-frère s’approcha de la fenêtre avec ses chiens, il entraîna le capitaine ; Maria et ses belles-sœurs sortirent avec eux, pour les accompagner jusqu’au bout du village. Alice s’assit tristement devant la table, et n’acheva pas de déjeûner. Maria rentra, lui parla, mais elle ne l’entendit pas ; une seule pensée l’occupait, « Je l’ai revu, nous avons été près l’un de l’autre ; le plus cruel moment est passé, nous nous accoutumerons à ces entrevues, elles se renouvelleront ; nous nous parlerons encore ; mais de quoi ? de choses indifférentes. » Alice ne voulait pas soupirer ; ce fut contre son gré qu’elle laissa échapper un soupir si profond, que Maria, qui ne remarquait ordinairement rien, en fut frappée. « Qu’avez-