Page:Austen - La Famille Elliot T1.djvu/83

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la pauvre Alice. Depuis qu’elle avait appris que la sœur du capitaine Wentworth vivrait à Kellinch-Hall, elle faisait tout son possible pour endurcir ses nerfs, et supporter, sans se trahir, les éternelles discussions sur les Croft, et sur ce qu’il ne fallait ou ne fallait pas leur laisser ; elle était aidée au moins dans son desir de paraître indifférente, par la complète indifférence des trois seules personnes qui fussent dans le secret de ce qui s’était passé entre elle et Wentworth, et qui semblaient en avoir perdu le souvenir ; elle comprenait et respectait les motifs de lady Russel ; mais le silence de son père et d’Elisabeth lui paraissait un oubli bien réel d’une circonstance qui les avait sans doute trop faiblement intéressés pour se la rappeler sept ans après : ce n’était pas du moins la crainte de lui faire de la peine qui les retenait ; c’était le moindre de leurs soucis, et souvent même ils en cherchaient l’occasion. Quoi qu’il en fût, cet air d’oubli général lui convenait très-bien ; il lui sauvait tout embarras avec les nouveaux habitans de Kellinch-Hall. Le frère de Wentworth, curé à Monkfort, chez qui il demeurait, était le seul, outre ses parens à elle, qui eût reçu quelque information de ce court engagement ; il avait quitté