Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/115

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— Tout ce que vous me dites là pourrait me tranquilliser si nous nous faisions la même idée de miss Bingley, répliqua Jane, mais je suis certaine que vous la jugez injustement. Caroline est incapable de tromper quelqu’un de propos délibéré. Tout ce que je puis espérer de mieux dans le cas présent, c’est qu’elle se trompe elle-même.

— C’est parfait. Du moment que vous ne voulez pas de mon explication, vous ne pouviez en trouver une meilleure. Croyez donc que miss Bingley se trompe, et que cette supposition charitable vous redonne la tranquillité.

— Mais, ma chère Elizabeth, même en mettant tout au mieux, pourrais-je être vraiment heureuse en épousant un homme que ses sœurs et ses amis désirent tant marier à une autre ?

— Cela, c’est votre affaire, et si, à la réflexion, vous trouvez que la douleur de désobliger les deux sœurs est plus grande que la joie d’épouser le frère, je vous conseille vivement de ne plus penser à lui.

— Pouvez-vous parler ainsi, dit Jane avec un faible sourire. Vous savez bien que malgré la peine que me causerait leur désapprobation, je n’hésiterais pas. Mais il est probable que je n’aurai pas à choisir si Mr. Bingley ne revient pas cet hiver. Tant de choses peuvent se produire en six mois !

Les deux sœurs convinrent d’annoncer ce départ à leur mère sans rien ajouter qui pût l’inquiéter sur les intentions de Mr. Bingley. Cette communication incomplète ne laissa pas toutefois de contrarier vivement Mrs. Bennet, qui déplora ce départ comme une calamité : ne survenait-il pas juste au moment où les deux familles commençaient à se lier intimement ?

Après s’être répandue quelque temps en doléances, l’idée que Mr. Bingley reviendrait sans doute bientôt et dînerait à Longbourn lui apporta un peu de réconfort. En l’invitant, elle avait parlé d’un repas de