Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/172

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— J’ai compris qu’il y avait contre la jeune fille des objections très sérieuses.

— Et quels moyens habiles a-t-il employés pour les séparer ?

— Il ne m’a pas conté ce qu’il avait fait, dit Fitzwilliam en souriant ; il m’a dit seulement ce que je viens de vous répéter.

Elizabeth ne répondit pas et continua d’avancer, le cœur gonflé d’indignation. Après l’avoir observée un moment, Fitzwilliam lui demanda pourquoi elle était si songeuse.

— Je pense à ce que vous venez de me dire. La conduite de votre cousin m’étonne. Pourquoi s’est-il fait juge en cette affaire ?

— Vous trouvez son intervention indiscrète ?

— Je ne vois pas quel droit avait Mr. Darcy de désapprouver l’inclination de son ami, ni de décider comment celui-ci pouvait trouver le bonheur. Mais, dit-elle en se ressaisissant, comme nous ignorons tous les détails il n’est pas juste de le condamner. On peut supposer aussi que le sentiment de son ami n’était pas très profond.

— Cette supposition n’est pas invraisemblable, dit Fitzwilliam, mais elle enlève singulièrement de sa valeur à la victoire de mon cousin.

Ce n’était qu’une réflexion plaisante, mais qui parut à Elizabeth peindre très justement Mr. Darcy. Craignant, si elle poursuivait ce sujet, n’être plus maîtresse d’elle-même, la jeune fille changea brusquement la conversation, et il ne fut plus question que de choses indifférentes jusqu’à l’arrivée au presbytère.

Dès que le visiteur fut parti, elle eut le loisir de réfléchir longuement à ce qu’elle venait d’entendre. Sur l’identité des personnages elle ne pouvait avoir de doute : il n’y avait pas deux hommes sur qui Mr. Darcy pût avoir une influence aussi considérable. Elizabeth avait toujours supposé qu’il avait dû coopérer au plan suivi pour séparer Bingley de Jane, mais elle en