Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/211

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seront maîtres de cette propriété. Ils considèrent sans doute Longbourn comme leur appartenant déjà.

— Ce sujet, ma mère, ne pouvait être abordé devant moi.

— Non, c’eût été plutôt étrange de leur part ; mais je ne doute pas qu’ils n’en causent souvent entre eux. Tant mieux, si leur conscience leur permet de prendre un domaine qui ne devrait pas leur revenir. Pour ma part, j’aurais honte d’un héritage qui m’arriverait dans de telles conditions !




XLI


La semaine du retour fut vite écoulée. Celle qui suivit devait être la dernière que le régiment passait à Meryton. Toute la jeunesse féminine du voisinage donnait les signes d’un profond abattement. La tristesse semblait universelle. Seules, les aînées des demoiselles Bennet étaient encore en état de manger, dormir, et vaquer à leurs occupations ordinaires. Cette insensibilité leur était du reste souvent reprochée par Kitty et Lydia dont la détresse était infinie et qui ne pouvaient comprendre une telle dureté de cœur chez des membres de leur famille.

— Mon Dieu, qu’allons-nous faire ? qu’allons-nous devenir ? s’exclamaient-elles sans cesse dans l’amertume de leur désespoir. Comment avez-vous le cœur de sourire ainsi, Lizzy ?

Leur mère compatissait à leur chagrin, en se rappelant ce qu’elle avait souffert elle-même vingt-cinq ans auparavant, dans de semblables circonstances.

— Moi aussi, j’ai pleuré deux jours entiers, lorsque le régiment du colonel Millar est parti. Je croyais bien que mon cœur allait se briser.

— Le mien n’y résistera pas, j’en suis sûre, déclara Lydia.