Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vations fut la pleine conviction que l’un des deux au moins savait ce que c’était qu’aimer ; des sentiments de leur nièce ils doutaient encore un peu, mais il était clair pour eux que Mr. Darcy débordait d’admiration.

Elisabeth, de son côté, avait beaucoup à faire. Elle aurait voulu deviner les sentiments de chacun de ses visiteurs, calmer les siens, et se rendre agréable à tous. Ce dernier point sur lequel elle craignait le plus d’échouer était au contraire celui où elle avait le plus de chances de réussir, ses visiteurs étant tous prévenus en sa faveur.

À la vue de Bingley sa pensée s’était aussitôt élancée vers Jane. Combien elle aurait souhaité savoir si la pensée de Bingley avait pris la même direction ! Elle crut remarquer qu’il parlait moins qu’autrefois, et, à une ou deux reprises pendant qu’il la regardait, elle se plut à imaginer qu’il cherchait à découvrir une ressemblance entre elle et sa sœur. Si tout ceci n’était qu’imagination, il y avait du moins un fait sur lequel elle ne pouvait s’abuser, c’était l’attitude de Bingley vis-à-vis de miss Darcy, la prétendue rivale de Jane. Rien dans leurs manières ne semblait marquer un attrait spécial des deux jeunes gens l’un pour l’autre ; rien ne se passa entre eux qui fût de nature à justifier les espérances de miss Bingley. Elizabeth saisit, au contraire, deux ou trois petits faits qui lui semblèrent attester chez Mr. Bingley un sentiment persistant de tendresse pour Jane, le désir de parler de choses se rattachant à elle et, s’il l’eût osé, de prononcer son nom. À un moment où les autres causaient ensemble, il lui fit observer d’un ton où perçait un réel regret « qu’il était resté bien longtemps sans la voir », puis ajouta avant qu’elle eût eu le temps de répondre :

— Oui, il y a plus de huit mois. Nous ne nous sommes pas rencontrés depuis le 26 novembre, date à laquelle nous dansions tous à Netherfield.

Elizabeth fut heureuse de constater que sa mémoire