Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/240

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exprimer leur bonne impression sur Bingley et elle courut s’habiller pour le dîner.

Elle avait tort de craindre la curiosité de Mr. et Mrs. Gardiner car ils n’avaient aucun désir de forcer ses confidences. Ils se rendaient compte maintenant qu’Elizabeth connaissait Mr. Darcy beaucoup plus qu’ils ne se l’étaient imaginé, et ils ne doutaient pas que Mr. Darcy fût sérieusement épris de leur nièce ; tout cela était à leurs yeux plein d’intérêt, mais ne justifiait pas une enquête.

En ce qui concernait Wickham les voyageurs découvrirent bientôt qu’il n’était pas tenu en grande estime à Lambton : si ses démêlés avec le fils de son protecteur étaient imparfaitement connus, c’était un fait notoire qu’en quittant le Derbyshire il avait laissé derrière lui un certain nombre de dettes qui avaient été payées ensuite par Mr. Darcy.

Quant à Elizabeth, ses pensées étaient à Pemberley ce soir-là plus encore que la veille. La fin de la journée lui parut longue mais ne le fut pas encore assez pour lui permettre de déterminer la nature exacte des sentiments qu’elle éprouvait à l’égard d’un des habitants du château, et elle resta éveillée deux bonnes heures, cherchant à voir clair dans son esprit. Elle ne détestait plus Mr. Darcy, non certes. Il y avait longtemps que son aversion s’était dissipée et elle avait honte maintenant de s’être laissée aller à un pareil sentiment. Depuis quelque temps déjà elle avait cessé de lutter contre le respect que lui inspiraient ses indéniables qualités, et sous l’influence du témoignage qui lui avait été rendu la veille et qui montrait son caractère sous un jour si favorable, ce respect se transformait en quelque chose d’une nature plus amicale. Mais au-dessus de l’estime, au-dessus du respect, il y avait en elle un motif nouveau de sympathie qui ne doit pas être perdu de vue : c’était la gratitude. Elle était reconnaissante à Darcy non seulement de l’avoir aimée, mais de l’aimer encore assez pour lui pardonner