Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/297

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dernière lettre de Jane ne m’avait appris que sa conduite est aussi déraisonnable chez son père que chez moi. Je lui ai parlé très sérieusement à plusieurs reprises, lui montrant la gravité de sa faute et le chagrin qu’elle avait causé à sa famille. Si elle m’a entendue, c’est une chance, car je suis certaine qu’elle ne m’a jamais écoutée. J’ai failli bien souvent perdre patience et c’est seulement par affection pour vous et pour Jane que je me suis contenue.

« Mr. Darcy a tenu sa promesse, et comme vous l’a dit Lydia, il assistait au mariage. Il a dîné chez nous le jour suivant, et devait quitter Londres mercredi ou jeudi. M’en voudrez-vous beaucoup, ma chère Lizzy, si je saisis cette occasion de vous dire (ce que je n’ai jamais osé jusqu’ici), quelle sympathie il m’inspire ? Sa conduite à notre égard a été aussi aimable qu’en Derbyshire. Son intelligence, ses goûts, ses idées, tout en lui me plaît. Pour être parfait, il ne lui manque qu’un peu de gaieté ; mais sa femme, s’il fait un choix judicieux, pourra lui en donner. Je l’ai trouvé un peu mystérieux : c’est à peine s’il vous a nommée ; le mystère paraît être à la mode… Pardonnez-moi, ma chérie, si j’ai trop d’audace ; ou tout au moins, ne me punissez pas au point de me fermer la porte de P… : je ne serai tout à fait heureuse que quand j’aurai fait le tour du parc ! Un petit phaéton avec une jolie paire de poneys, voilà ce qu’il faudrait. Mais je m’arrête : depuis une demi-heure, les enfants me réclament.

« À vous de tout cœur,

« M. Gardiner. »


La lecture de cette lettre jeta Elizabeth dans une agitation où l’on n’aurait su dire si c’était la joie ou la peine qui dominait. Ainsi donc, tous les soupçons vagues et indéterminés qui lui étaient venus au sujet du rôle de Mr. Darcy dans le mariage de sa sœur, et auxquels elle n’avait pas voulu s’arrêter parce qu’ils supposaient chez lui une bonté trop extraordinaire