Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/317

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quatre ou cinq mille livres de rentes ! Ô ma chère Jane, je suis si contente ! Je n’en dormirai pas de la nuit…

À partir de ce moment, Bingley fit à Longbourn des visites quotidiennes. Il arrivait fréquemment avant le breakfast et restait toujours jusqu’après le souper, à moins que quelque voisin barbare et qu’on ne pouvait assez maudire, ne lui eût fait une invitation à dîner qu’il ne crût pas pouvoir refuser.

Elizabeth n’avait plus beaucoup de temps pour s’entretenir avec sa sœur, car Jane, en la présence de Bingley, n’accordait son attention à personne autre ; mais elle rendait grand service à tous deux dans les inévitables moments de séparation : en l’absence de Jane, Bingley venait chanter ses louanges à Elizabeth et, Bingley parti, Jane en faisait autant de son côté.

— Il m’a rendue heureuse, dit-elle un soir, en m’apprenant qu’il avait toujours ignoré mon séjour à Londres au printemps dernier. Je ne le croyais pas possible !

— J’en avais bien le soupçon, répondit Elizabeth. Quelle explication vous a-t-il donnée ?

— Ce devait être la faute de ses sœurs. Assurément elles ne tenaient pas à encourager les relations entre leur frère et moi, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il aurait pu faire un mariage tellement plus avantageux sous bien des rapports. Mais quand elles verront, comme j’en ai la confiance, que leur frère est heureux avec moi, elles en prendront leur parti. Croyez-vous, Lizzy, que lors de son départ en novembre, il m’aimait vraiment, et que la seule conviction de mon indifférence l’a empêché de revenir !

— Il a commis une petite erreur, assurément ; mais elle est tout à l’honneur de sa modestie.

Elizabeth était contente de voir que Bingley n’avait pas dit un mot de l’intervention de son ami ; car bien que Jane eût le cœur le plus généreux et le plus indulgent, cette circonstance n’aurait pu manquer de la prévenir contre Mr. Darcy.