Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/330

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mésalliance inacceptable. Je crois de mon devoir d’avertir avec toute la diligence possible ma cousine et son noble admirateur, afin qu’ils sachent à quoi ils s’exposent, et ne précipitent pas une union qui ne serait pas dûment approuvée… » — Mr. Collins ajoute encore : « Je me réjouis véritablement de ce que la triste histoire de ma cousine Lydia ait été si bien étouffée. Une seule chose me peine, c’est que l’on sache dans le public qu’ils ont vécu ensemble quinze jours avant la bénédiction nuptiale. Je ne puis me dérober au devoir de ma charge et m’abstenir d’exprimer mon étonnement que vous ayez reçu le jeune couple chez vous, aussitôt après le mariage : c’est un encouragement au vice, et si j’étais le recteur de Longbourn, je m’y serais opposé de tout mon pouvoir. Assurément vous devez leur pardonner en chrétien, mais non les admettre en votre présence, ni supporter que l’on prononce leurs noms devant vous… »

— Voilà quelle est sa conception du pardon chrétien ! La fin de la lettre roule sur l’intéressante situation de sa chère Charlotte, et leur espérance de voir bientôt chez eux « un jeune plant d’olivier ». Mais, Lizzy, cela n’a pas l’air de vous amuser ? Vous n’allez pas faire la délicate, je pense, et vous montrer affectée par un racontar stupide. Pourquoi sommes-nous sur terre, sinon pour fournir quelque distraction à nos voisins, et en retour, nous égayer à leurs dépens ?

— Oh ! s’écria Elizabeth, je trouve cela très drôle, mais tellement étrange !

— Et justement ! c’est ce qui en fait le piquant ! Si ces braves gens avaient choisi un autre personnage, il n’y aurait eu là rien de divertissant ; mais l’extrême froideur de Mr. Darcy et votre aversion pour lui témoignent à quel point cette fable est délicieusement absurde. Bien que j’aie horreur d’écrire, je ne voudrais pour rien au monde mettre un terme à ma correspondance avec Mr. Collins. Bien mieux, quand je lis une de ses lettres, je ne puis m’empêcher de le placer au-